dimanche 25 février 2018

Secret des actions divines





Marc 1, 29-45
29 En sortant de la synagogue, ils se rendirent avec Jacques et Jean à la maison de Simon et d’André.
30 La belle-mère de Simon était couchée, ayant la fièvre ; et aussitôt on parla d’elle à Jésus.
31 S’étant approché, il la fit lever en lui prenant la main, et à l’instant la fièvre la quitta. Puis elle les servit.
32 Le soir, après le coucher du soleil, on lui amena tous les malades et les démoniaques.
33 Et toute la ville était rassemblée devant sa porte.
34 Il guérit beaucoup de gens qui avaient diverses maladies ; il chassa aussi beaucoup de démons, et il ne permettait pas aux démons de parler, parce qu’ils le connaissaient.
35 Vers le matin, pendant qu’il faisait encore très sombre, il se leva, et sortit pour aller dans un lieu désert, où il pria.
36 Simon et ceux qui étaient avec lui se mirent à sa recherche ;
37 et, quand ils l’eurent trouvé, ils lui dirent : Tous te cherchent.
38 Il leur répondit : Allons ailleurs, dans les bourgades voisines, afin que j’y prêche aussi ; car c’est pour cela que je suis sorti.
39 Et il alla prêcher dans les synagogues, par toute la Galilée, et il chassa les démons.

40 Un lépreux vint à lui ; et, se jetant à genoux, il lui dit d’un ton suppliant : Si tu le veux, tu peux me rendre pur.
41 Jésus, ému de compassion, étendit la main, le toucha, et dit : Je le veux, sois pur.
42 Aussitôt la lèpre le quitta, et il fut purifié.
43 Jésus le renvoya sur-le-champ, avec de sévères recommandations,
44 et lui dit : Garde-toi de rien dire à personne ; mais va te montrer au sacrificateur, et offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit, afin que cela leur serve de témoignage.
45 Mais cet homme, s’en étant allé, se mit à publier hautement la chose et à la divulguer, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer publiquement dans une ville. Il se tenait dehors, dans des lieux déserts, et l’on venait à lui de toutes parts.

Marc 9, 1-10
1 Il leur dit encore : Je vous le dis en vérité, quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront point, qu’ils n’aient vu le royaume de Dieu venir avec puissance.
2 Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il les conduisit seuls à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ;
3 ses vêtements devinrent resplendissants, et d’une telle blancheur qu’il n’est pas de foulon sur la terre qui puisse blanchir ainsi.
4 Élie et Moïse leur apparurent, s’entretenant avec Jésus.
5 Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : Rabbi, il est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie.
6 Car il ne savait que dire, l’effroi les ayant saisis.
7 Une nuée vint les couvrir, et de la nuée sortit une voix : Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le !
8 Aussitôt les disciples regardèrent tout autour, et ils ne virent que Jésus seul avec eux.
9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur recommanda de ne dire à personne ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme fût ressuscité des morts.
10 Ils retinrent cette parole, se demandant entre eux ce que c’est que ressusciter des morts.

*

« C'est pour prêcher que je suis sorti » (Mc 1, 38), sorti de l'éternité pour venir vers nous.

Jésus, l'homme qui sort vers nous, depuis l'éternité bienheureuse, comme en écho du v. 29 : « En sortant de la synagogue », où, juste avant, Jésus libérait un homme possédé d'un esprit impur, faisant que « sa renommée se répandit aussitôt dans tous les lieux environnants de la Galilée » (Mc 1, 28). Puis une série de guérisons et de libérations, par compassion, précise un peu après le v. 41, dont celle de la belle-mère de Pierre.

Sorti pour proclamer la Parole de Dieu, après être sorti, seul au désert pour prier (Mc 1, 35 & 38), Jésus guérit, par compassion. Compassion, amour pour le prochain comme pour soi-même, c’est cela et rien d’autre qui faisait croître l’Église primitive. Jean 13, 35 : « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres ». Le monde alentour en était impressionné. Compassion, « venant des entrailles » selon le mot grec employé ici, proche en cela du mot hébreu « miséricorde », entrailles de mère.

Et sa réputation se répand, et évente le secret qu’il demande…

*

« Jésus leur recommanda de ne dire à personne ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme fût ressuscité des morts » (Mc 2, 9).

Du silence opposé aux esprits impurs (cf. Mc 1, v. 25) aux nombreuses guérisons dont celle du lépreux trop loquace en passant par la guérison censément privée de la belle-mère de Pierre, l’Évangile de Marc voit commencer le ministère de Jésus en posant la nécessité de ce qui a été appelé le « secret messianique » (le « secret messianique » est requis : des esprits - Mc 1, 24-25 ; 1, 34, « il ne leur permettait pas de parler » ; 3, 11-12 - ; des personnes que Jésus guérit - Mc 1, 44 ; 5, 43 ; 7, 36 ; 8, 26 - ; des disciples - Mc 8, 30 ; 9, 9) — il est des choses qui ne peuvent se comprendre que lorsque leur vérité profonde est dévoilée. La publicité qui lui est faite contraint Jésus à se réfugier au désert (Mc 1, v. 45). Tandis que la mécompréhension de qui il est se déploie, jusqu’à lui valoir la croix.

Un premier dévoilement du secret, du mystère de son être, en sera donné à trois disciples, dévoilement de la part lumineuse du secret lors de la transfiguration — part lumineuse car il y a aussi la part sombre, qui est la croix. Ce qu’illustre un conte juif à propos d’Élie — présent lors de la transfiguration —, parlant de la signification du secret des actions divines…

*

Rabbi Josué ben Levi [début IIIe s.] était réputé pour son savoir et sa générosité : ses paroles étaient savantes, et ses actes bienveillants. Pourtant, il n’était pas heureux. Du matin jusqu’au soir, il priait sans boire ni manger, désireux d'une seule chose : que Dieu entende sa prière et lui accorde de rencontrer le prophète Élie.
Un jour à l'aube, alors que Josué priait, le prophète apparut devant lui : - Que veux-tu de moi ? lui demanda-t-il. Dis-moi quel est ton vœu.
- Les hommes me vénèrent, répondit Josué, mais je sais, en ce qui me concerne, que j’ai encore beaucoup à apprendre. Je souhaite t’accompagner sur tes chemins, Élie.
Je verrai des actes pieux, des miracles par lesquels tu rends gloire au Dieu unique, et alors seulement je pourrai devenir sage. - À quoi te servira d'être à mes côtés ? - objecta Élie. Regarder ne te suffira pas pour comprendre mes actes, tu me poseras des questions, et le chemin nous deviendra pesant.
- Je te promets de ne poser aucune question, assura Josué. Je te regarderai faire sans rien te demander.
- C'est bien, dit Élie, alors viens avec moi. Mais si tu ne parviens pas à te taire, et que tu veuilles connaître la raison de mes faits, nous nous séparerons aussitôt.
Josué accepta la condition, et bientôt les deux hommes se mirent en route. Après une longue marche, ils arrivèrent à la nuit tombée au logis d’un pauvre. Dans sa cabane qui tenait à peine, on voyait clignoter les étoiles à travers le toit, et le seul bien que ce malheureux possédât, était une vache, maigre, attachée dans la petite cour. L’homme et sa femme cependant accueillirent leurs hôtes aimablement ; ils les firent dormir dans leur propre lit et eux-mêmes couchèrent dans le foin, au grenier.
Au matin, Josué se réveilla juste à temps pour entendre la prière d’Élie, et il faillit s’étouffer d’indignation : celui-ci demandait à Dieu de tuer l’unique vache du pauvre homme, et dès qu’il eut fini de prier, la bête tomba morte sur la terre. - Que fais-tu là ? demanda-t-il d’un air plein de reproche. Ces gens sont déjà pauvres, et toi, au lieu de les récompenser de leur bonté, tu accrois encore leur misère. - Je veux bien te répondre, dit Élie, mais il faudrait ensuite que nous nous séparions ; souviens-toi de notre accord.
Josué n’insista donc pas et continua de faire route avec le prophète sans rien dire. Les voyageurs arrivèrent le lendemain soir chez un homme très riche. Sa maison avait plusieurs pièces, agréablement aménagées ; de la cuisine se dégageait une bonne odeur de rôti ; mais Élie et Josué ne reçurent chez lui ni lit ni repas. Près de la maison du riche, se dressait un mur à moitié en ruines, que le maître se préparait à reconstruire.
Il allait se mettre au travail mais, à ce moment, Élie fit une prière, et sur les ruines s’éleva un mur tout neuf.
- Qu’est-ce donc que cette justice ? pensa Josué. Un homme aussi avare, et voilà qu’Élie lui vient en aide ! Mais il ne dit mot et, les lèvres serrées, rempli d’amertume et de tristesse, il continua de suivre le prophète. Ils parvinrent ce jour-là à un beau temple. Tout y était d’or et d’argent ; les bancs de prière étaient confortables, garnis de coussins. Quand Élie entra avec Josué dans le temple, trois hommes richement vêtus s’y trouvaient.
- Encore des mendiants, fit l’un d'eux en hochant la tête sans même leur accorder un regard. Qui va leur donner à manger ?
- Du pain sec et un peu d'eau, ce sera assez pour des vagabonds comme eux, répondit l’autre homme.
Puis les riches s'en allèrent, mais aucun d'eux ne revint avec la nourriture ; Élie et Josué passèrent la nuit dans le temple, par terre, dans le froid. Le matin, lorsque les hommes vinrent prier, Élie leur dit : - Dieu fasse que vous deveniez tous trois les chefs de la communauté !
Josué eut peine à cacher son dépit. « Comment Élie peut-il être aussi généreux envers ceux qui mériteraient plutôt un châtiment ? se demandait-il, affligé. Peut-on rester muet devant une telle manière d’agir ? » Josué s'apprêtait à demander à Élie de s’expliquer mais, au dernier moment, il se rappela sa promesse. Il se contenta donc de hocher la tête devant l’étrange comportement d’Élie et, plus triste encore qu’auparavant, il poursuivit sa route à ses côtés.
Au coucher du soleil, les deux hommes atteignirent une autre ville. À peine eurent-ils mis le pied dans ses rues, que les gens les saluèrent cordialement, chacun s’empressant de leur offrir l'hospitalité. Finalement, les voyageurs passèrent la nuit dans la plus belle demeure, où ils reçurent également un repas et des boissons de choix. Le matin, les plus illustres notables de la cité vinrent leur faire leurs adieux. Le prophète ne fit pas même allusion à leur aimable accueil, leur souhaitant simplement : - Dieu fasse que l’un de vous devienne le chef de cette cité !
Cette fois, Josué n’y tint plus : - Élie ! s’écria-t-il avec humeur, je voulais rester avec toi le plus longtemps possible, mais je ne peux plus me taire. Dis-moi pourquoi tu récompenses les méchants, et non les bons ? Ne pouvant te comprendre, je préfère me séparer de toi plutôt que d'être tourmenté par tes actions ! - Comme tu voudras, acquiesça le prophète avec indulgence. Je te révélerai donc ce que tu tiens à savoir, puis chacun reprendra son chemin. Sache donc, Josué, que le pauvre qui a perdu son unique vache, devait voir ce même jour mourir sa femme. L’ange de la mort était déjà dans la maison, et c'est pourquoi j’ai demandé à Dieu de prendre la vie de l’animal plutôt que celle de sa femme. Dieu a exaucé mon vœu, et le brave homme pourra encore vivre avec elle de longues années de bonheur. J’ai relevé le mur du riche qui nous avait chassés, car dans les assises du mur était enfoui un grand trésor, et si le riche avait reconstruit son mur lui-même, il l’aurait certainement trouvé. Les hommes du temple somptueux ignoraient l’hospitalité, c’est pourquoi j’ai souhaité à tous de devenir les maîtres de la communauté. Ils ne parviendront pas à s’accorder, se querelleront, et leur désunion conduira la ville à sa perte. Car c’est avec raison que l’on dit : « Plusieurs capitaines font couler un navire, tandis qu’un seul maître à bord le mènera à bon port. » C’est pourquoi j'ai souhaité à la ville qui nous avait accueillis avec amitié de n’avoir qu’un seul chef.
Élie termina son discours, serra Josué dans ses bras, et ajouta à voix basse :
- Tu voulais apprendre de moi une grande sagesse, mais celle-ci contient tout : si tu rencontres un impie, à qui la vie réussit, et un juste qui est dans la peine, ne t’y trompe pas. Tu as vu que Dieu est équitable et que Son jugement dépasse l’entendement humain.
Qui pourrait donner à Dieu des conseils ?
Sur ces mots, Élie bénit Josué, et avant qu’il ait pu réagir, le prophète disparut de sa vue.
(D'après « Voyage avec Élie », Contes juifs, éd. Gründ, p. 65-67.)

*

Marc 9, 9-13
9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur recommanda de ne dire à personne ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme fût ressuscité des morts.
10 Ils retinrent cette parole, se demandant entre eux ce que c’est que ressusciter des morts.
11 Les disciples lui firent cette question : Pourquoi les scribes disent-ils qu’il faut qu’Élie vienne premièrement ?
12 Il leur répondit : Élie viendra premièrement, et rétablira toutes choses. Et pourquoi est-il écrit du Fils de l’homme qu’il doit souffrir beaucoup et être méprisé ?
13 Mais je vous dis qu’Élie est venu, et qu’ils l’ont traité comme ils ont voulu, selon qu’il est écrit de lui.

Le « secret messianique » de l’évangile, proche de celui d’Élie, est ainsi celui du sens, du pourquoi de la crucifixion du Saint de Dieu, qui éclate dans sa future résurrection, révélée à trois disciples lors de la transfiguration…


RP, Poitiers, 4/02/18 :
Job 7.1-7 ; Psaume 147 ; 1 Corinthiens 9.16-23 ; Marc 1.29-39
Châtellerault (AG) 11/02/18 :
Lévitique 13.1-2,45-46 ; Psaume 102 ; 1 Corinthiens 10.31–11.1, Marc 1.40-45
Niort, 25/02/18, Transfiguration :
Genèse 22.1-18 ; Psaume 116 ; Romains 8.31-34 ; Marc 9.2-10


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