dimanche 4 juin 2017

Le don de l’Esprit




Psaume 104 ; Actes 2, 1-11 ; 1 Corinthiens 12, 3-13 ; Jean 20, 19-23

Actes 2, 1-8
1 Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu.
2 Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis.
3 Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s'en posa sur chacun d'eux.
4 Ils furent tous remplis d'Esprit saint et se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait d'énoncer.
5 Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem.
6 Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue.
7 Étonnés, stupéfaits, ils disaient : Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ?
8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?

Jean 20, 19-23
19 Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Judéens, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : "La paix soit avec vous."
20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie.
21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit : "La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie."
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : "Recevez l’Esprit Saint ;
23 ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis."

*

« Pentecôte » signifie cinquantième jour après la fête de la Pâque. C'est, dans la Bible hébraïque, la fête des « semaines », Shavouoth, sept semaines (cinquante jours) après la Pâque. Il s'agit de la fête des « prémisses », la récolte des premiers fruits. C'est aussi le souvenir du don de la Torah.

Pour le christianisme, ce sera la commémoration des premières récoltes des nations dans l'Alliance que Dieu a passée avec son peuple ; et la célébration du don de la Torah qui s'inscrit dans le cœur des croyants par le don de l'Esprit saint.

Fête des premiers fruits qui mûrissent déjà, la Pentecôte signifie alors les premiers temps de ce fruit de l’histoire du peuple de Dieu : le temps est mûr pour l’entrée des nations dans l'Alliance.

C'est le sens du miracle des langues. Voilà que l'Esprit saint donne aux disciples de célébrer Dieu dans les langues de toutes les nations, d’où viennent les juifs présents à Jérusalem pour la fête. Dieu annonce ainsi que le culte est appelé à se célébrer dans les langues de tous les peuples.

Ce sont les premières récoltes du temps où l'Alliance scellée d'abord avec Israël s'élargit à toutes les nations, dans leurs langues.

Ce n'est pas que les Pères d'avant la venue de Jésus ignoraient l'Esprit saint ! Le contraire est même certain. Comment en effet auraient-ils pu vivre de la foi qui était la leur, leur faisant préférer, selon l’Épître aux Hébreux, le désert plutôt que les joies faciles ? Il est bien question de l'Esprit dans la Torah (Nombres 11, 24-30), dans les Prophètes (Ézéchiel 37, 1), dans les Psaumes (Psaume 51, 13)…

L'Esprit qui animait les anciens rend ainsi témoignage à la Parole de Dieu, venue en Jésus : l'Esprit « rendra témoignage de moi », dit-il (Jean 15, 26). C'est ce que les Prophètes, depuis Abraham (Jean 8, 56), ont espéré. Le temps de la venue à l'Alliance élargie à toutes les nations.

Quel est le cœur de cette alliance unique, scellée d'abord avec Israël, celle qui dit la présence de Dieu au milieu de son peuple, qui nous confirme sa fidélité, ce qui nous est rappelé en ce jour de confirmations : « il me feront un temple et je demeurerai au milieu d’eux ». Comment demeure-t-il au milieu de nous ? Une petite histoire pour l’illustrer…

*

« Le roi Salomon avait hérité de son père David de grandes richesses qu'il avait su, grâce à la sagesse de son gouvernement, faire prospérer. Chacun de ses desseins était toujours mené à bien, et sa gloire se répandait dans le monde entier. Mais, au fond de son cœur, Salomon demeurait attristé.

"A quoi me servent tous ces trésors, si les années s'écoulent sans que soit remplie la promesse faite à mon père ? pensait-il avec amertume. J'ai fait édifier des dizaines de palais, mais le Temple en l'honneur de Dieu n'est toujours pas bâti. Le Seigneur m'est témoin que ce n'est pas mauvaise volonté de ma part si j'en diffère la construction. Comment cependant reconnaîtrais-je l'emplacement qui lui convient le mieux ? La terre d'Israël est tout entière sainte, mais le sol où s'élèveront les murs du Temple devrait être le plus précieux à Dieu."

Une nuit, Salomon songeait de nouveau à l'emplacement où il devait construire l'édifice. Son ancienne promesse lui pesait, et c'est en vain qu'il cherchait le sommeil. A minuit, ne dormant toujours pas, il décida de se lever et d'aller faire un tour. Il s'habilla rapidement et, sans bruit, afin de n'être pas vu des serviteurs, il se glissa hors du palais.

Il marcha dans Jérusalem endormie, passa à proximité de vastes jardins)et de bosquets qui murmuraient dans le vent et arriva finalement au pied du mont Moria. C'était juste après la moisson, et sur le flanc sud de la montagne se dressaient des gerbes de blé coupé.

Salomon s'adossa au tronc d'un olivier, ferma les yeux et dans son esprit se mirent à défiler les lieux les plus divers de son royaume. Il revit des collines, des vallées et des bois qui lui avaient semblé destinés au Temple, ainsi que des dizaines d'autres lieux où il était arrivé plein d'espoir, mais qu'il avait quittés déçu.

Soudain Salomon entendit des pas. Il ouvrit les yeux et aperçut dans le clair de lune un homme portant dans ses bras une gerbe de blé. "Un voleur !" pensa-t-il tout de suite.

Il s'apprêtait à sortir de sa cachette, dans l'ombre de l'arbre, mais se ravisa au dernier moment. "Attendons plutôt de voir ce que l'homme mijote", se dit-il.

Le visiteur nocturne travaillait vite et sans bruit. Il déposa la gerbe au bord du champ voisin, puis retourna en chercher d'autres, et continua ainsi jusqu'à ce qu'il eût cinquante gerbes. Puis, jetant un coup d’œil hésitant autour de lui pour s'assurer que personne ne l'avait vu, il s'en alla.

— "Charmant voisin, pensa Salomon. Le propriétaire du champ ne sait sans doute pas
pourquoi sa moisson diminue la nuit."

Mais il n'eut pas le temps de réfléchir à la façon de punir le voleur : déjà, non loin de l'olivier sous lequel il se trouvait, un autre homme arrivait. Il contourna les deux champs prudemment et, croyant être seul, prit une gerbe de blé qu'il emporta sur l'autre champ.
Il fit exactement comme le premier visiteur nocturne, si ce n'est qu'il portait le blé en sens inverse. Il reprit ainsi les cinquante gerbes, et repartit sans bruit.

"Ces voisins ne sont pas meilleurs l'un que l'autre, se dit Salomon. Je pensais qu'il n'y en avait qu'un qui volait, mais en fait le voleur lui-même est volé."

Dès le lendemain, Salomon convoqua les deux propriétaires des champs. Il fit attendre le plus âgé dans une pièce contiguë et interrogea le plus jeune sévèrement : — Dis-moi de quel droit tu prends le blé du champ de ton voisin.

L'homme regarda Salomon avec surprise, et rougit de honte : — Seigneur, répondit-il, jamais je ne me permettrais pareille chose. Le blé que je transporte m'appartient, et je le dépose sur le champ de mon frère. Je souhaitais que personne ne le sache, mais puisque j'ai été surpris, je te dirai la vérité. Mon frère et moi avons hérité de notre pète un champ qui fut partagé en deux moitiés égales, bien que lui soit marié et ait trois enfants, alors que moi je vis seul. Mon frère a besoin de plus de froment que moi, mais il n'accepte pas que je lui donne le moindre épi. C'est pourquoi je lui apporte secrètement les gerbes. À moi, elles ne manquent pas, tandis que lui en a besoin.

Salomon fit passer l'homme dans la pièce contiguë et appela le propriétaire du second champ : — Pourquoi voles-tu ton voisin ? s'enquit-il d'un ton rude. Je sais que tu lui prends du blé pendant la nuit.
— Dieu me garde de faire pareille chose, protesta l'homme, horrifié. C'est en vérité tout le contraire, Salomon. Mon frère et moi avons hérité de notre père deux parts égales d’un champ; mais, dans mon travail, je suis aidé par ma femme et mes trois enfants, tandis que lui est seul. Il doit faire venir le faucheur, le lieur et le batteur, de sorte qu'il perd plus d'argent que moi et sera plus tôt dans le besoin. Il ne veut pas accepter de moi un seul grain de blé ; c'est pourquoi je lui apporte au moins ces quelques gerbes en secret. À moi, elles ne manquent pas, tandis que lui en a besoin.

Alors Salomon rappela le premier homme et, serrant avec émotion les deux frères dans ses bras, il dit : — J'ai vu bien des choses dans ma vie, mais jamais je n'ai rencontré de frères aussi désintéressés que vous. Pendant des années, vous vous êtes témoigné une bonté réciproque, que vous avez gardée secrète. Je tiens à vous exprimer toute mon affection et vous prie de me pardonner de vous avoir soupçonnés d'être des voleurs, quand vous êtes les hommes les plus nobles de la terre. À présent, j'ai une prière à vous adresser. Vendez-moi vos champs, que je fasse construire sur ce sol sanctifié par l'amour fraternel le Temple de Dieu. Aucun lieu n'en est plus digne, nulle part le Temple ne trouvera de fondements plus solides. […] » (D’après Contes juifs, éditions Grund.)

Signe de ce que l’Alliance est solide, quoiqu’il arrive, son fondement symbolisé par ce conte est cette promesse : « Quand les montagnes s’effondreraient, dit Dieu, Quand les collines chancelleraient, Ma bonté pour toi ne faiblira point et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée. Je t’aime d’un amour éternel, et je te garde ma miséricorde » (Ésaïe 54,10).

*

Reste à savoir comment cela se concrétise. Cela se concrétise par le pardon !… Jésus souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint ». « La paix soit avec vous » — don de l’Esprit saint. Et il est question de pardon, à recevoir et à octroyer : « ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis ».

Deux faces de la libération de l’amour — qui pardonne, qui est pardon. Remettre les péchés, c’est pardonner ; soumettre les péchés, c’est permettre de les dominer. Être libéré du fruit du péché. C’est en rapport étroit avec le pardon.

Souvenons-nous de l’épisode de Caïn. L’inverse des deux frères de notre petite histoire. Genèse 4, 6-8 : « Le Seigneur dit à Caïn : "Pourquoi t’irrites-tu ? Et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas ? Si tu n’agis pas bien, le péché, tapi à ta porte, te désire. Mais toi, domine-le." Caïn parla à son frère Abel et, lorsqu’ils furent aux champs, Caïn attaqua son frère et le tua. »

« Le péché est tapi à ta porte… Mais toi, domine-le. » Caïn ne l’a pas dominé. Caïn n’a pas reçu le pardon, la rémission de ses péchés — fût-ce par le vain sacrifice par lequel il cherchait à satisfaire Dieu. Et il jalousait son frère. Il n’a pas perçu le pardon, l’élargissement de son cœur et la capacité de pardonner ; et de soumettre le péché et son fruit, à savoir ses péchés, fruits du péché : le péché l’a vaincu, Caïn ne l’a pas dominé…

Mais voici le fruit de l’Esprit saint : « ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis ». « La paix soit avec vous ». La paix de se savoir pardonné. Pleinement pardonné : vos péchés vous sont remis, l’Esprit saint vous les soumet. La liberté qui est dans le fait d’être pardonnés nous libère du poids d’avoir à ne pas pardonner. Nous voilà donc devant le Ressuscité, présent au milieu de nous, soufflant sur nous : recevez l’Esprit saint.


RP, Poitiers, Pentecôte, confirmations, 4/06/17


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