mercredi 24 mai 2017

L’Ascension et l’espérance du Royaume




Actes 1, 1-11 ; Psaume 47 ; Éphésiens 1, 17-23 ; Matthieu 28, 16-20

Actes 1, 1-11
1 J’avais consacré mon premier livre, Théophile, à tout ce que Jésus avait fait et enseigné, depuis le commencement
2 jusqu’au jour où, après avoir donné, dans l’Esprit Saint, ses instructions aux apôtres qu’il avait choisis, il fut enlevé.
3 C’est à eux qu’il s’était présenté vivant après sa passion : ils en avaient eu plus d’une preuve alors que, pendant quarante jours, il s’était fait voir d’eux et les avait entretenus du Règne de Dieu.
4 Au cours d’un repas avec eux, il leur recommanda de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre la promesse du Père, "celle, dit-il, que vous avez entendue de ma bouche :
5 Jean a bien donné le baptême d’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours."
6 Ils étaient donc réunis et lui avaient posé cette question : "Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël ?"
7 Il leur dit : "Vous n’avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité ;
8 mais vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre."
9 A ces mots, sous leurs yeux, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs regards.
10 Comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se trouvèrent à leur côté
11 et leur dirent : "Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel."

Matthieu 28, 16-20
16 Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait désignée.
17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent devant lui. Mais quelques-uns eurent des doutes.
18 Jésus, s’étant approché, leur parla ainsi : Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre.
19 Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,
20 et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

*

« Deuxième tome à Théophile » dont l’Évangile selon Luc est le premier, le livre des Actes des Apôtres commence par le rappel de la promesse du Ressuscité concernant l’Esprit saint — promesse en lien avec le fait que l’instauration du Royaume est différée. L’Église ne se confond donc pas avec le Royaume et son « rétablissement pour Israël » (v. 6-7). L’Esprit saint concerne la mission, comme annonce universelle, mission de témoins du Ressuscité pour toutes les nations.

La venue du Royaume est donc différée. Ce que signifie aussi l’Ascension qui clôt les quarante jours d’apparitions du Ressuscité et scelle l’envoi des disciples — « Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel », déclarent les « deux hommes en vêtements blancs ».

Dans l’Ascension comme dans la crucifixion, le Christ est « enlevé » (Ac 1, 2). « Vous ne me verrez plus », disait Jésus de sa mort, puis « encore un peu de temps et vous me verrez », disait-il de sa résurrection (Jean 16, 16). « Vous ne me verrez plus » : « une nuée le déroba aux yeux » des disciples (Ac 1, 9), « puis vous me verrez encore » : bientôt, mais plus tard, la venue en gloire — dont l’espérance hors de ce temps prévient qu’en ce temps, étant « au milieu de vous » ou « en vous », « le Royaume de Dieu ne vient pas de façon à frapper les regards ». Et donc encore moins à la force de l’épée ! — : aucune légitimité d’un règne de l’Église de celui dont le Règne n’est pas de ce temps…

L'Ascension, comme le départ par la mort — du crucifié —, est tout d'abord la marque d'une absence. Il ne faut pas imaginer cette élévation comme un déplacement local qui conduirait le Christ à une droite de Dieu « géographique » : Dieu est dans un au-delà infini : une élévation comme déplacement local durerait indéfiniment ! Et d'autre part, Dieu est universellement présent : la droite de Dieu est partout ! Et de plus le Christ ressuscité emplit lui-même corporellement toutes choses.

L'Ascension est un départ, déjà signifié par la Croix.

Dans le départ du Christ, c'est une réalité essentielle de la vie de Dieu avec le monde qui est exprimée : son retrait, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent, il est aussi comme le Père, radicalement absent, caché.

Cette absence est aussi signe de son règne — de ce que l'on n'a point de mainmise sur lui —, et de quel genre est son règne. Le rituel biblique exprime cela par le voile du Tabernacle, et celui du Temple, derrière lequel ne vient, et qu'une fois l'an, le grand prêtre.

Ce lieu très saint a son équivalent céleste, comme nous l'explique l'Épître aux Hébreux (8, 5) lisant l'Exode (25, 40). C'est dans ce lieu très saint céleste qu'il est entré par son départ, départ avéré à sa mort. Le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée.

Sa présence — « je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » — est alors d'un tout autre ordre. Son règne n'est pas celui d'un des rois de ce monde, des pouvoirs de ce monde : « enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » C'est un règne caché, une présence mystérieuse qui est en lien précis avec la réception de son enseignement, dans l'observance de ce qu'il a prescrit afin — ainsi que le dit l'épître aux Éphésiens 1, 17-23 :
17 […] que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation, dans sa connaissance,
18 et qu’il illumine les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle est l’espérance qui s’attache à son appel, quelle est la richesse de la gloire de son héritage qu’il réserve aux saints,
19 et quelle est envers nous qui croyons l’infinie grandeur de sa puissance, se manifestant avec efficacité par la vertu de sa force.
20 Il l’a déployée en Christ, en le ressuscitant des morts, et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes,
21 au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute dignité, et de tout nom qui se peut nommer, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir.
22 Il a tout mis sous ses pieds, et il l’a donné pour chef suprême à l’Église,
23 qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous.

Ainsi, en un sens différent de ce qu'il en est des pouvoirs de ce monde, comme y appelle le Psaume 47 : « Chantez Dieu, chantez ! chantez pour notre roi, chantez ! Car le roi de toute la terre, c’est Dieu » (Psaume 47, 6-7a).


RP, Poitiers, Ascension, 24.05.17


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