dimanche 20 mars 2016

"Humble et monté sur un ânon"




Ésaïe 50, 4-7 ; Psaume 22 ; Philippiens 2, 6-11 ; Luc 19, 28-40

Luc 19, 28-38
28 Sur ces mots, Jésus partit en avant pour monter à Jérusalem.
29 Or, quand il approcha de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont dit des Oliviers, il envoya deux disciples
30 en leur disant : « Allez au village qui est en face ; en y entrant, vous trouverez un ânon attaché que personne n’a jamais monté. Détachez-le et amenez-le.
31 Et si quelqu’un vous demande : “Pourquoi le détachez-vous ?” vous répondrez : “Parce que le Seigneur en a besoin.” »
32 Les envoyés partirent et trouvèrent les choses comme Jésus leur avait dit.
33 Comme ils détachaient l’ânon, ses maîtres leur dirent : « Pourquoi détachez-vous cet ânon ? »
34 Ils répondirent : « Parce que le Seigneur en a besoin. »
35 Ils amenèrent alors la bête à Jésus, puis jetant sur elle leurs vêtements, ils firent monter Jésus ;
36 et à mesure qu’il avançait, ils étendaient leurs vêtements sur la route.
37 Déjà il approchait de la descente du mont des Oliviers, quand tous les disciples en masse, remplis de joie, se mirent à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus.
38 Ils disaient : « Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur !
Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! »


*

Lors de la montée de Jésus à Jérusalem, aux Rameaux, la foule ne sait pas exactement ce qu’elle demande — un roi — ; mais la foule ne sait pas que celui qu’elle acclame comme un roi temporel devra être sacrifié comme tel, pour rayonner de sa vérité éternelle.

Et pourtant, renvoyant à Zacharie 9, 9, Jésus en a donné le signe : « Il est humble et monté sur un ânon ». Rameaux annonce le renoncement, le don total, pour la résurrection du Christ éternel au dimanche de Pâques.

Il a fallu, de Rameaux à Pâques, apprendre à sacrifier ce que l'on concevait de Jésus — « qui dites-vous que je suis ? » avait-il demandé aux disciples — pour retrouver l'être de résurrection révélé au dimanche de Pâques.

S'annonce ce que dit Jésus à ses disciples au moment de sa mort : « vous ne me verrez plus ». Et puis vous me verrez, ajoute-t-il. Un Jésus est sacrifié, celui que l'on croyait connaître, pour qu’apparaisse le vrai Jésus, que l'on ne peut saisir — Jésus Christ éternel.

Tout cela est donné à valoir pour nous, pour chacun de nous. Il nous faut sacrifier ce que l'on croit pouvoir posséder de ses proches, et de soi-même pour paraître en pleine lumière, nés de Dieu. « Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu » dira Paul aux Colossiens (3, 3).

C'est ce que Jésus vit pour nous de Rameaux à Pâques, ce qu'il sait être en train de vivre, renvoyant délibérément au livre de Zacharie en entrant à Jérusalem à dos d'ânon — « ni par la puissance ni par la force, mais par mon esprit » (Za 4, 6) —, annonçant par là le renoncement à une royauté temporelle, à une royauté de conquête par la force militaire que représenterait un cheval.

C’est ce qu'il sait être en train de vivre depuis son baptême, car son baptême annonce bien cela — rappelons-le en ce jour de célébration d'un baptême —, le trajet de la semaine sainte : il est un autre baptême dont je dois être baptisé, faisant référence à sa mort.

*

« Jésus, baptisé lui aussi », écrivait Luc au début de son Évangile (ch. 3, v. 21). « Lui aussi ». Miséricorde étonnante qui est dans le partage, dans la solidarité qui se dit dans ce baptême, et qui ira jusqu'à la mort.

Solidarité jusqu'au bout, qui étonne alors Jean le Baptiste, souvenez-vous. Car quel besoin de repentir, demandait Jean, de baptême de repentir, pour un homme sans péché ? C'est là un geste de solidarisation avec le peuple exilé dans ses fautes et dans la culpabilité. Le Seigneur partage l'exil de son peuple, vient dans l'exil avec lui afin de l'en ramener — baptisé lui aussi « comme tout le peuple était baptisé » (Lc 3, 21).

Être Fils de Dieu, ainsi que le dit de Jésus la voix venue du ciel avec l'Esprit saint apparu comme une colombe lors du baptême de Jésus, est pleinement lié à la réalisation — de Rameaux à Pâques — de ce qui s'annonce par ce baptême de solidarité. Être Fils de Dieu, réalité intemporelle, s'exprime dans le temps : dans son humanité, Jésus est le Fils éternel de Dieu, et il le signifie dans son baptême. Dans ce geste, se faire baptiser, qui le solidarise avec nous, Jésus reçoit de l'Esprit, publiquement, sa consécration pour entrer dans son ministère de Messie, de Sauveur du peuple, ce qui marque le temps de la fin de l'exil du peuple dans le péché et la culpabilité.

Par ce geste, il exprime sa prise en charge de son rôle de serviteur, celui qui se solidarise avec son peuple — et à Rameaux, le jour est venu d'aller jusqu'au bout. C'est l'œuvre de la seule grâce de Dieu, qui vient nous rejoindre dans les lieux de nos égarements — cela s'accomplit de Rameaux à Pâques — pour nous placer devant lui, dans la liberté de l'Esprit, fin de tous les exils, liberté fondée sur la confiance en sa faveur, sa grâce.


Lorsque avec l'Esprit venu comme une colombe, la voix déclare ainsi Jésus Fils de Dieu, c'est, en vertu de la solidarité qu'il montre à notre égard en se faisant baptiser, notre adoption comme fils et fille à notre tour qui est aussi prononcée. Le baptême, qui est en premier lieu un geste d'humilité, un geste de repentir, devient aussi le signe d'une régénération. Et là, c'est aussi notre baptême dont il est question. Ici, il nous est dit aussi : « toi aussi tu reçois la force de l'Esprit de Jésus par lequel en se solidarisant avec toi, il a sanctifié, rempli d'Esprit, ce geste d'humilité. »

Dieu a dit une fois pour toutes en Jésus : « tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. » Et cela signifie aussi ce partage de l'Esprit du Christ, ce don de son Esprit, dont le baptême est désormais un signe. Ce don d'affermissement, de force, est ce qui nous qualifie, nous donne capacité de grandir dans la liberté.


Alors la vie jaillira comme un fleuve qui donne sans cesse l'eau qu'il reçoit, comme ce fleuve au-dessus duquel la colombe désignait l'Esprit par lequel nous aussi pouvons devenir fils et filles, c'est-à-dire libres. Une vie de résurrection dès aujourd'hui, qui se manifeste dans la beauté de la vie dès aujourd'hui, c'est-à-dire dans le don, où précisément elle se trouve : « qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera » (Luc 9, 24). C'est dès aujourd'hui qu'il faut vivre la vie de résurrection, qui est une vie de don et de bonté.


RP, Poitiers, Rameaux, 20/03/16


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