dimanche 27 mars 2016

"Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ..."




Actes 10, 34-43 ; Psaume 118, 1-20 ; Colossiens 3, 1-4 ; Jean 20, 1-9

Colossiens 3, 1-4

1 Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu ;
2 fondez vos pensées en haut, non sur la terre.
3 Vous êtes morts, en effet, et votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu.
4 Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire.

Jean 20, 1-9
1 Le premier jour de la semaine, à l'aube, alors qu'il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau.
2 Elle court, rejoint Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit: " On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l'a mis. "
3 Alors Pierre sortit, ainsi que l'autre disciple, et ils allèrent au tombeau.
4 Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
5 Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n'entra pas.
6 Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là
7 et le linge qui avait recouvert la tête; celui-ci n'avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit.
8 C'est alors que l'autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau; il vit et il crut.
9 En effet, ils n'avaient pas encore compris l'Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d'entre les morts.

*

« Votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu », écrit l’Apôtre. Qu’est-ce qui nous constitue, que sommes-nous en réalité ? En réponse à cette question, nous confondons aisément avec ce que nous pensons être, nous confondons notre être avec ce que nous en concevons, jusqu'à le confondre avec notre enveloppe temporelle. Une enveloppe temporelle dont nous nous dépouillons déjà, au jour le jour de son vieillissement ; une enveloppe, qui s’use de toute façon, qui se dégrade de jour en jour ; jusqu’au moment où il faudra la quitter comme un vêtement qui a fait son temps. Comme par un passage.

*

Passage : Pâques est passage. Pour la tradition juive, la Pâque est la commémoration et l'actualisation du passage qu'est la sortie d’Égypte. Depuis l'Exode, la fête au cours de laquelle un agneau est sacrifié rappelle le temps où le peuple était épargné de la mort qui frappait la puissance asservissante, l'Égypte de Pharaon, et rappelle que ce temps, c'est aujourd'hui !

Le peuple vivait le passage de l'esclavage à l'espérance en traversant la mer à pied sec, passage auquel nous sommes appelés aujourd'hui tout à nouveau.

Le mot hébreu qui indique un passage, un saut, a été rendu en grec par un terme sonnant de façon ressemblante, mais qui contient en outre une autre idée, celle de souffrance subie, de passion.

Or voici que « Christ, notre Pâque, a été immolé » (1 Corinthiens 5, 7), souffrant, comme par un nouvel Exode, le passage de la mort à la vie de la Résurrection. Passé avec nous de la vie à la mort, de la vie temporelle au tombeau, pour que nous passions avec lui de la mort à la vie, du tombeau à la résurrection pour la vie d'éternité.

C'est de cet autre esclavage, le péché, par lequel la mort a trouvé son règne (Romains 5, 21), que la passion du Christ nous libère pour nous mener à la vie nouvelle. C'est pourquoi il nous affirme : « celui qui écoute ma parole et qui croit en celui qui m'a envoyé... est passé de la mort à la vie » (Jean 5, 24).

*

Ce passage de la mort à la vie est participation à la résurrection du Christ dont Marie de Magdala, au dimanche de Pâques, découvre le signe, le tombeau vide.

Tout est renversé : la voilà partie, le shabbath passé, pour se recueillir sur un mort. Mais il n'y a plus de corps dans la tombe ! Et elle n'ose pas encore saisir : « on a enlevé du tombeau le Seigneur », dira-t-elle à Pierre. Et elle persistera dans cette idée, puisque, dans ses larmes, c'est encore ce qu'elle dira peu après (v. 11-14). Et elle ne pourra pas reconnaître Jésus ressuscité avant qu'il ne l'appelle par son nom (v. 14-16).

On entre dans un monde nouveau, attesté par de simples signes : on a roulé la pierre qui fermait le sépulcre pour qu'il apparaisse qu'il est bien vide. Restent les bandelettes qui entouraient le corps, et le suaire qui en couvrait la tête. C'est le constat de Pierre, qui marquant un second temps, à la suite de Marie de Magdala, n'ose pourtant pas non plus franchir le pas.

C'est elle pourtant qui devient premier témoin du passage de la mort à la vie, de « l'engloutissement de la mort dans la victoire », selon l'expression de Paul, courant vers les Apôtres ! Ils n'ont « pas encore compris l'Écriture, selon laquelle Jésus devait ressusciter d'entre les morts » (v. 9). Un autre disciple, cependant, troisième temps après Marie et Pierre, ayant vu les mêmes signes : tombeau vide, linge et bandelettes, croit (v.8).

*

Au-delà des signes, une réalité inouïe : on est passé au-delà de la mort, « la mort est engloutie ». Le combat du Christ a été un combat victorieux : Dieu l'atteste par sa résurrection. Dieu justifie la solidarité de son Fils avec le peuple asservi au péché et à la mort, son aboutissement.

La cessation de la mort sera bientôt universelle, comme a une portée universelle cette glorification de Jésus. Dieu scelle ce qu'il avait été donné à trois disciples de connaître lors de l'épisode de la Transfiguration : Jésus est manifesté comme roi de l'univers. Bientôt, tous le sauront, sa Présence universelle apparaîtra aux yeux de tous.

Car c'est bien sa présence universelle qui est annoncée dans sa résurrection : la mort ne peut le retenir, il emplit l'univers, apparaissant autant à Jérusalem, qu'en Galilée, vers Damas (Actes 9), ou ailleurs. C'est tellement inouï, incroyable, que l'on verra rouler la pierre du tombeau (non pour que le Ressuscité puisse sortir ! Une pierre ne saurait le retenir !) — pour desceller l'incroyable de l'événement.

Présence universelle à l'espace et au temps : il emplit tous les lieux, il emplit aussi tous les temps : c'est lui qui abreuvait les pères au désert (1 Corinthiens 10, 4), c'est lui que considérait Moïse, préférant son humiliation aux trésors de l'Égypte (Hébreux 11, 26), c'est lui qu'Abraham a contemplé (Jean 8, 56).

Il est présent à tous les temps et à tous les lieux : il est Un avec Dieu (Jean 10, 30). C'est cela qu'atteste sa résurrection : c'est ainsi que les Apôtres peuvent affirmer qu'il est celui qui fonde l'univers, celui par qui tout a été fait (Jean 1, 2 ; Colossiens 1, 16).

C'est là un peu de ce qu'enseigne la résurrection, et qui ne sera pleinement manifesté que dans sa venue en gloire. Vérité qui reste cachée jusqu'à ce jour : l'Ascension l'a dérobé à nos yeux (Actes 1, 9), jusqu'au jour où « Dieu sera tout en tous » (1 Corinthiens 15, 28). Le Christ ressuscité, le Christ-Roi, entré dans son éternité, participe de l’Éternité de Dieu.

*

En l'espérance du jour où « Dieu sera tout en tous », jour de la manifestation de la présence universelle du Maître, les Apôtres seront chargés d'annoncer ce mystère à la foi des hommes, puis après eux, nous qui avons cru avec eux. C'est cette foi par laquelle nous entrons dans la participation à la résurrection du Christ, par effet de ce qu'il a partagé notre exil dans la mort.

Car pour nous, lorsque les Écritures nous parlent de deux résurrections, correspondant à deux morts, il nous y est signifié qu'à côté de la dimension totale — englobant nos corps — de la mort et de la résurrection, il est une première mort, une dimension spirituelle de la mort, pour laquelle mort et résurrection ont une portée réelle dans nos vies présentes.

Cette mort et cette résurrection spirituelles ont un rapport étroit avec l'annonce de l'Évangile, puisque la foi, la confiance en la faveur de Dieu, nous fait accéder dès aujourd'hui au statut de ressuscités, nous fait « passer de la mort à la vie », rend réelle dès « ici-bas » la naissance d'Éternité.

C'est là la résurrection telle qu'elle prend place dès aujourd'hui dans nos vies : la croix du Christ est élévation. « Lorsque j'aurai été élevé de la terre », nous dit Jésus parlant de sa mort (Jean 12, 32), « j'attirerai tous les hommes à moi ».

Et « celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort » (Jean 11, 25).

*

À présent nous le savons : « Votre vie est cachée avec Christ en Dieu ». « Vous êtes ressuscités avec le Christ. » Notre vrai être n’est pas dans nos lambeaux de corps, mais en haut, avec lui, à la droite de Dieu.

Ce qui ne rend pas nos corps temporels insignifiants. Ils sont la manifestation visible de ce que nous sommes de façon cachée, en haut. Et le lieu de la solidarité. Le corps que le Christ s’est vu tisser dans le sein de la Vierge Marie manifeste dans notre temps ce qu’il est définitivement devant Dieu, et qui nous apparaît dans sa résurrection.

Il est un autre niveau de réalité, celui qui apparaît dans la résurrection. Or nous en sommes aussi, à notre tour de façon cachée. C’est cet autre niveau qu’il nous faut rechercher, pour y fonder notre vie et notre comportement dans le provisoire. « Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire », promet l’Apôtre.


R.P., Châtellerault, Pâques 27.03.16


dimanche 20 mars 2016

"Humble et monté sur un ânon"




Ésaïe 50, 4-7 ; Psaume 22 ; Philippiens 2, 6-11 ; Luc 19, 28-40

Luc 19, 28-38
28 Sur ces mots, Jésus partit en avant pour monter à Jérusalem.
29 Or, quand il approcha de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont dit des Oliviers, il envoya deux disciples
30 en leur disant : « Allez au village qui est en face ; en y entrant, vous trouverez un ânon attaché que personne n’a jamais monté. Détachez-le et amenez-le.
31 Et si quelqu’un vous demande : “Pourquoi le détachez-vous ?” vous répondrez : “Parce que le Seigneur en a besoin.” »
32 Les envoyés partirent et trouvèrent les choses comme Jésus leur avait dit.
33 Comme ils détachaient l’ânon, ses maîtres leur dirent : « Pourquoi détachez-vous cet ânon ? »
34 Ils répondirent : « Parce que le Seigneur en a besoin. »
35 Ils amenèrent alors la bête à Jésus, puis jetant sur elle leurs vêtements, ils firent monter Jésus ;
36 et à mesure qu’il avançait, ils étendaient leurs vêtements sur la route.
37 Déjà il approchait de la descente du mont des Oliviers, quand tous les disciples en masse, remplis de joie, se mirent à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus.
38 Ils disaient : « Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur !
Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! »


*

Lors de la montée de Jésus à Jérusalem, aux Rameaux, la foule ne sait pas exactement ce qu’elle demande — un roi — ; mais la foule ne sait pas que celui qu’elle acclame comme un roi temporel devra être sacrifié comme tel, pour rayonner de sa vérité éternelle.

Et pourtant, renvoyant à Zacharie 9, 9, Jésus en a donné le signe : « Il est humble et monté sur un ânon ». Rameaux annonce le renoncement, le don total, pour la résurrection du Christ éternel au dimanche de Pâques.

Il a fallu, de Rameaux à Pâques, apprendre à sacrifier ce que l'on concevait de Jésus — « qui dites-vous que je suis ? » avait-il demandé aux disciples — pour retrouver l'être de résurrection révélé au dimanche de Pâques.

S'annonce ce que dit Jésus à ses disciples au moment de sa mort : « vous ne me verrez plus ». Et puis vous me verrez, ajoute-t-il. Un Jésus est sacrifié, celui que l'on croyait connaître, pour qu’apparaisse le vrai Jésus, que l'on ne peut saisir — Jésus Christ éternel.

Tout cela est donné à valoir pour nous, pour chacun de nous. Il nous faut sacrifier ce que l'on croit pouvoir posséder de ses proches, et de soi-même pour paraître en pleine lumière, nés de Dieu. « Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu » dira Paul aux Colossiens (3, 3).

C'est ce que Jésus vit pour nous de Rameaux à Pâques, ce qu'il sait être en train de vivre, renvoyant délibérément au livre de Zacharie en entrant à Jérusalem à dos d'ânon — « ni par la puissance ni par la force, mais par mon esprit » (Za 4, 6) —, annonçant par là le renoncement à une royauté temporelle, à une royauté de conquête par la force militaire que représenterait un cheval.

C’est ce qu'il sait être en train de vivre depuis son baptême, car son baptême annonce bien cela — rappelons-le en ce jour de célébration d'un baptême —, le trajet de la semaine sainte : il est un autre baptême dont je dois être baptisé, faisant référence à sa mort.

*

« Jésus, baptisé lui aussi », écrivait Luc au début de son Évangile (ch. 3, v. 21). « Lui aussi ». Miséricorde étonnante qui est dans le partage, dans la solidarité qui se dit dans ce baptême, et qui ira jusqu'à la mort.

Solidarité jusqu'au bout, qui étonne alors Jean le Baptiste, souvenez-vous. Car quel besoin de repentir, demandait Jean, de baptême de repentir, pour un homme sans péché ? C'est là un geste de solidarisation avec le peuple exilé dans ses fautes et dans la culpabilité. Le Seigneur partage l'exil de son peuple, vient dans l'exil avec lui afin de l'en ramener — baptisé lui aussi « comme tout le peuple était baptisé » (Lc 3, 21).

Être Fils de Dieu, ainsi que le dit de Jésus la voix venue du ciel avec l'Esprit saint apparu comme une colombe lors du baptême de Jésus, est pleinement lié à la réalisation — de Rameaux à Pâques — de ce qui s'annonce par ce baptême de solidarité. Être Fils de Dieu, réalité intemporelle, s'exprime dans le temps : dans son humanité, Jésus est le Fils éternel de Dieu, et il le signifie dans son baptême. Dans ce geste, se faire baptiser, qui le solidarise avec nous, Jésus reçoit de l'Esprit, publiquement, sa consécration pour entrer dans son ministère de Messie, de Sauveur du peuple, ce qui marque le temps de la fin de l'exil du peuple dans le péché et la culpabilité.

Par ce geste, il exprime sa prise en charge de son rôle de serviteur, celui qui se solidarise avec son peuple — et à Rameaux, le jour est venu d'aller jusqu'au bout. C'est l'œuvre de la seule grâce de Dieu, qui vient nous rejoindre dans les lieux de nos égarements — cela s'accomplit de Rameaux à Pâques — pour nous placer devant lui, dans la liberté de l'Esprit, fin de tous les exils, liberté fondée sur la confiance en sa faveur, sa grâce.


Lorsque avec l'Esprit venu comme une colombe, la voix déclare ainsi Jésus Fils de Dieu, c'est, en vertu de la solidarité qu'il montre à notre égard en se faisant baptiser, notre adoption comme fils et fille à notre tour qui est aussi prononcée. Le baptême, qui est en premier lieu un geste d'humilité, un geste de repentir, devient aussi le signe d'une régénération. Et là, c'est aussi notre baptême dont il est question. Ici, il nous est dit aussi : « toi aussi tu reçois la force de l'Esprit de Jésus par lequel en se solidarisant avec toi, il a sanctifié, rempli d'Esprit, ce geste d'humilité. »

Dieu a dit une fois pour toutes en Jésus : « tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. » Et cela signifie aussi ce partage de l'Esprit du Christ, ce don de son Esprit, dont le baptême est désormais un signe. Ce don d'affermissement, de force, est ce qui nous qualifie, nous donne capacité de grandir dans la liberté.


Alors la vie jaillira comme un fleuve qui donne sans cesse l'eau qu'il reçoit, comme ce fleuve au-dessus duquel la colombe désignait l'Esprit par lequel nous aussi pouvons devenir fils et filles, c'est-à-dire libres. Une vie de résurrection dès aujourd'hui, qui se manifeste dans la beauté de la vie dès aujourd'hui, c'est-à-dire dans le don, où précisément elle se trouve : « qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera » (Luc 9, 24). C'est dès aujourd'hui qu'il faut vivre la vie de résurrection, qui est une vie de don et de bonté.


RP, Poitiers, Rameaux, 20/03/16


dimanche 13 mars 2016

"Où sont ceux qui t'accusaient ?"




Ésaïe 43, 16-21 ; Psaume 126 ; Philippiens 3, 8-14 ; Jean 8, 1-11

Jean 8, 1-11
1 Jésus gagna le mont des Oliviers.
2 Dès le point du jour, il revint au temple et, comme tout le peuple venait à lui, il s'assit et se mit à enseigner.
3 Les scribes et les Pharisiens amenèrent alors une femme qu'on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe.
4 "Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère.
5 Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu ?"
6 Ils parlaient ainsi dans l'intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l'accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur le sol.
7 Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus se redressa et leur dit : "Que celui d'entre vous qui n'a jamais péché lui jette la première pierre."
8 Et s'inclinant à nouveau, il écrivait sur le sol
9 Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l'un après l'autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. Comme la femme était toujours là, au milieu du cercle,
10 Jésus se redressa et lui dit: "Femme, où sont-ils donc? Personne ne t'a condamnée?"
11 Elle répondit: "Personne, Seigneur", et Jésus lui dit: "Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus."


*

« Ils parlaient ainsi dans l'intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l'accuser. »

Mais quel piège ? Le piège repose en grande partie, comme les autres pièges qui sont tendus à Jésus selon les Évangiles, comme celui de savoir s'il faut payer l'impôt à César par exemple, sur les doutes de ses adversaires quant à sa culture biblique et théologique. N'oublions pas que Jésus vient d'un territoire, la Galilée, périphérique et peu éclairé. Alors ceux des scribes qui l'interrogent peuvent être portés à douter de sa culture religieuse. Car la question, savoir s'il faut lapider la femme, est déjà résolue depuis longtemps par les maîtres de la tradition. On ne lapide plus en Israël. Et c'est l'État, en l'occurrence l'ordre romain qui règne directement ou indirectement, qui a le dernier mot en matière juridique.

On ne lapide pas, a fortiori pas comme ça dans la rue, sauf à ce que cela s'assimile à un assassinat fanatique — comme celui d’Étienne dans le livre des Actes — qui aurait dû valoir à ceux qui en étaient coupables de comparaître, normalement, auprès des autorités. Là est le piège. Peut-être va-t-il se jeter dans ce panneau-là… la question étant déjà résolue par les pharisiens, dans un sens exactement similaire à la réponse que va donner Jésus. Dans un sens propre à fonder l'abolition de la peine de mort.

Les pharisiens enseignent à ce sujet que si la Torah prescrit la lapidation des coupables de fautes graves, c'est en considérant des gens d'une sainteté telle qu'ils seraient à même de juger ! — et finalement de ne pas condamner, comme Jésus, le Saint de Dieu, ne le fera évidemment pas.

Prétendre juger et condamner la femme reviendrait, comme l’ont déjà enseigné les pharisiens, à s’auto-justifier, un peu de la façon dont les choses se passent en prison, où ceux qui sont considérés comme coupables de crimes plus graves que les autres sont persécutés par des prisonniers qui de la sorte, s’auto-justifient quant à leur faute à eux, censée être moins grave. Condamner « ces femmes-là », selon la formule dédaigneuse citée au v. 5 dévoile simplement le cœur trouble des accusateurs, qui explique leur surdité à toute compassion : dédaigner la femme pour ne pas entendre ce qui se passe de façon confuse dans les profondeurs enfouies auxquelles Jésus renvoie chacun.

Voilà un point, parmi tant d'autres, sur lequel Jésus et les pharisiens sont d'accord. Il est important pour nous de le savoir, ne serait-ce que pour ne pas faire des pharisiens les boucs émissaires d'une attitude qui n'est pas la leur ! D’autant plus que ce faisant, loin d'être du côté de Jésus et de la femme adultère pardonnée, nous basculerions sans nous en rendre compte du côté des lapidateurs !

Or, les pharisiens ne lapidaient pas, parce que, on l'a dit, ils se considéraient insuffisamment saints pour juger… Exactement comme Jésus va le dire. Ce qui n'élimine pas la faute — c'est le sens probable du geste de Jésus d'écrire sur le sol : en l'occurrence écrire la faute, donc réelle. La faute n'est pas niée ; elle est censée ici avoir été constatée par flagrant délit. C'était indispensable pour un adultère : flagrant délit (ce qui peut sembler rendre étrange l'absence de l'homme, visé en principe lui aussi par la sanction) — flagrant délit constaté ; la trace de cette exigence s'est perpétuée dans l'islam, où sont requis quatre témoins qui, tenez-vous bien, doivent pourvoir affirmer avoir vu l'accouplement s'accomplir — où la pratique de telles sanctions dans certains pays ou groupes musulmans tombe sous le coup de la dénonciation d'hypocrisie des lapidateurs qui se jugent eux-mêmes assez purs pour se livrer à de tels actes !

Mais bref, flagrant délit, la faute n'est pas niée dans notre texte ; mais elle est pardonnée. Là, Jésus a déjoué le piège tendu : il s'avère, lui campagnard galiléen, n'être pas aussi inculte que cela. Il sait que la question de l'application de la peine de mort dans la Torah est résolue, et il sait comment.

*

On peut aller un pas plus loin dans ce sens et retrouver la leçon prophétique sur l’adultère et son pardon comme image de l’idolâtrie du peuple qui cherche ses propres fantasmes religieux dans ses idoles à sa propre image, et qui rejette ipso facto le vrai Dieu, autre au point que l’on ne prononce pas son nom.

De même, l’adultère est comme en recherche d’une image fantasmée, restant en souffrance de ce que l’autre se trouve être réel, et donc ne correspond pas à sa propre image projetée… « Va et ne pèche plus », adressé par Jésus à la femme adultère, recoupe alors l’appel « revenez à moi, peuple adultère » que les prophètes crient au nom de Dieu.

*

Finalement, ironie terrible, ce Messie décidément à une autre mesure que ce que nous aurions imaginé, sera lui-même mis à mort. Censé être serviteur du Dieu unique contre l'idolâtrie des nations accrochées à leurs auto-justifications, voilà que le pouvoir de ceux qui se réclament du Dieu de la grâce, où de ceux qui s’en autoproclament représentants — Hérode en tête — ne sauront pas s’opposer au pouvoir idolâtre d'une nation ennemie mettant à mort ceux qui, comme Jésus, les dérangent dans leurs prétentions.

C'est bien là leur problème. Messie à une toute autre mesure, derrière la femme adultère, c'est bien Jésus qui est visé. Jésus, lui, sait qu'en ce qui le concerne, sa fidélité à Dieu lui vaudra la mort, et la fera risquer à quiconque lui sera fidèle. Car ici s'explique la fameuse absence de l'homme, pas relevée par Jésus : la femme de notre texte est une figure de l'Église, pécheresse pardonnée, coupable d'adultère vis-à-vis de Dieu, et pardonnée, à laquelle Jésus déclare : « va et ne pèche plus ! » C'est une des raisons pour lesquelles ce texte constitue un des cœurs des Évangiles.

Face à ce Messie à une toute autre mesure, les prétendus défenseurs de l’identité de la nation contre les Romains n'hésiteront pas à proclamer n'avoir de roi que César, selon l’évangile. Par où il souligne que tous les prétextes pour chasser Jésus ne sont que les cache-sexe d’un désir de conserver privilèges et prestige.

Mais Jésus invite les siens, au cœur des quolibets, à n'avoir pas honte de ses paroles, celles de l'amour de Dieu pour tous les êtres humains, fût-ce pour une femme prise en flagrant délit d'adultère. La femme devient alors, comme Jésus, bouc émissaire de ceux que les remises en question dérangent.

Et puisque Jésus est celui qui pose ces remises en question, il faut le chasser, s'en débarrasser de n'importe quelle façon. Alors on lui tend piège après piège. Si ce n'est pas la femme adultère ça en sera un autre. Mais c'est lui qui est visé, quoiqu'il fasse.

C'est ici que la femme adultère réapparaît comme ce qu'elle représente : l'Église. Peuple adultère pardonné auquel Jésus dit à nouveau : « va, et ne pèche plus ! » Où est l'homme, demandait-on ? Mais ce n'est pas avec un homme que l'Église commet l'adultère, c'est avec ses idoles ! Desquelles la première est cette façon de s'adorer soi-même, de vouloir se placer sur un piédestal de façon à désigner qui est prophète (qui ne remet pas trop en question) et qui ne l'est pas. À coup de pièges que l'on tend.

C'est bien à cela que Jésus pense quand il dit aux disciples : heureux serez-vous quand on dira de vous toute sorte de mal à cause de moi ; on a toujours fait pareil avec les vrais prophètes. Mais méfiez-vous des renards qui vous flattent comme le corbeau de la fable. C'est ce que font les adversaires de Jésus quand ils lui tendent des pièges.

Car remarquez-le c'est toujours en ces termes : « maître, que faut-il faire, que nous enseignes-tu ? etc. » Et comme ici, Jésus déjoue les pièges en protégeant ceux qu'on va vouloir mettre à mort comme lui. Ils sont l'Église que représente ici la femme adultère pardonnée. Si l'homme n'est pas là — et le problème du texte n'est pas un homme mais l'idole —, l'époux, lui, est là, celui de l’Église : c'est Jésus, qui pardonne, qui ne condamne pas. C'est aujourd'hui le jour du salut. Il est encore temps d'entrer dans le Royaume.

La femme adultère à ses pieds, Jésus s'adresse à la conscience de chacun de ses interlocuteurs, de chacun de nous, dévoilant le secret des cœurs : à partir de quelle sainteté ose-t-on s'ériger en juge ? La question ne peut que porter et troubler les consciences, à commencer par celles des plus âgés, qui ont une plus indubitable expérience de leur propre tortuosité. Et la femme de se retrouver sans plus d'accusateur. Mais avec cela, il n'est plus non plus de candidats pour piéger Jésus publiquement et pour discréditer aux yeux du peuple ce qu'il pouvait porter d'espérance.

Alors Jésus, dont la sainteté le met en position de juge, et lui seul, prononce son verdict : « je ne te condamne pas ». Ce faisant, il annonce ce qui est le fondement du Royaume dont il est porteur : le pardon, la grâce seule, la faveur de Dieu, sans quoi ce Royaume demeurerait à jamais fermé, inaccessible.


R.P., Poitiers, 13.03.16


dimanche 6 mars 2016

Le fils prodigue (et l'autre)




Josué 5, 10-12 ; Psaume 34 ; 2 Co 5, 17-21 ; Luc 15, 1-3 & 11-32

Luc 15, 1-3 & 11-32
1 Les collecteurs d’impôts et les pécheurs s’approchaient tous de lui pour l’écouter.
2 Et les Pharisiens et les scribes murmuraient ; ils disaient : "Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux !" 3 Alors il leur dit cette parabole :
[…]
11 […] "Un homme avait deux fils.
12 Le plus jeune dit à son père : Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son avoir.
13 Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre.
14 Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l’indigence.
15 Il alla se mettre au service d’un des citoyens de ce pays qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.
16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait.
17 Rentrant alors en lui-même, il se dit : Combien d’ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim !
18 Je vais aller vers mon père et je lui dirai : Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi.
19 Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers.
20 Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
21 Le fils lui dit : Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils…
22 Mais le père dit à ses serviteurs : Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds.
23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons,
24 car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé. "Et ils se mirent à festoyer.
25 Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses.
26 Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c’était.
27 Celui-ci lui dit : C’est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu’il l’a vu revenir en bonne santé.
28 Alors il se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l’en prier ;
29 mais il répliqua à son père : Voilà tant d’années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres; et, à moi, tu n’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.
30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui !
31 Alors le père lui dit: Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.
32 Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé.


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C'est pour le fils aîné — qui l’écoute par les oreilles de ses interlocuteurs — que Jésus donne cette parabole, commençant par dresser un long portrait du frère cadet et prodigue. Le pire portrait qui soit : non seulement il n'a pas été fidèle au père, il l’a quitté, et de quelle façon : tout juste s’il ne l’a pas enterré avant l’heure, réclamant son héritage pour partir — mais il dilapide cet héritage, et il ne le dilapide pas en essayant par exemple, même maladroitement, de le faire fructifier. Il le gaspille. Et non seulement, il ne le gaspille pas de façon charitable, ni même utile, mais en vivant dans la débauche. En présence des publicains, Jésus ainsi en rajoute à décrire un frère cadet genre publicain, et encore de la pire espèce, sans excuse aux yeux du frère aîné dont il ne faut pas oublier qu'il est en train d'écouter Jésus par les oreilles des vrais fidèles qu'il représente.

Il n'est pas jusqu'au repentir du fils prodigue qui ne soit douteux. Ce n'est pas un repentir sincère ; ce n’est pas l'affection, qui le pousse vers son père, mais la faim (v. 17). Il revient en réfugié économique. Un de ces pauvres qui n’arrive pas pour les beaux yeux du ceux qui l’accueillent, mais parce qu’il a faim, froid, et fuit l’humiliation qu’il a subie.

On l’imagine à convoiter la nourriture des cochons (comme si ce n’était pas déjà assez humiliant de les garder !). Le voilà donc, humilié, qui revient penaud, ayant perdu jusqu’à sa sincérité, s’il en a jamais eu. Sa sincérité est si peu sûre qu'on le voit carrément préparer un discours de repentir à réciter à son père (v. 18, cf. v. 21). Motivations qui, la suite le montre, quelles qu'elles soient, importent peu au père, qui s’étant précipité de loin pour se jeter à son cou, interrompt le discours qu’il avait préparé, et ordonne la fête.

Le père l'accueille dans la joie. Ici il faut ne pas négliger les deux paraboles qui précèdent, celles dites de la brebis perdue et de la drachme perdue, qui nous préviennent que ce n'est tant la recherche du père par le fils perdu qui importe, mais à l'inverse la recherche du fils perdu par le père — qui fait quand même peut-être que le fils ne s’est toujours pas trouvé lui-même.

Écho toutefois, et en même temps, de ce que la grâce précède le repentir. Dans les trois cas, on entend « réjouissez-vous avec moi », car j'ai retrouvé ma brebis, ma drachme, « venez et réjouissons-nous car mon fils était perdu et il est retrouvé ».

C'est parce l’enfant est retrouvé que son retour peut commencer. Le Père a trouvé le fils qu'il cherche ; le fils lui, n'en est qu'au début de sa découverte du Père, de son retour à lui. De loin, le Père court se jeter à son cou. Il a retrouvé ce qui était perdu et invite les siens à la réjouissance.

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Et voilà que le fils aîné se vexe des retrouvailles de son frère. Et, on va le voir, ce qui irrite le fils aîné, ce n'est pas tant la conversion de son frère prodigue dont il serait même sans doute porté à se réjouir, que la façon dont les choses se passent. Le fils aîné aurait pu trouver parfaitement réjouissant le retour de son frère — humilié tout de même — si le père s'était empressé de lui confier, à lui l'aîné, disons la rééducation de celui qui non seulement était le second, second donc par rapport au droit d'aînesse, mais qui par-dessus le marché s'était montré infidèle. Quelle joie si le père avait dit au fils prodigue : prends en exemple ton frère aîné, et marche dorénavant selon son modèle ; tu peux même lui demander des conseils,... et même de t'organiser une fête pour marquer la joie de ton retour.

Mais voilà que la fête a commencé avant même son retour des champs (v. 25-27) ! Si au moins le père était venu le consulter — tiens : pour l'organisation de cette fête. Car le fils aîné est loin d'être le mauvais bougre : son attitude, sa piété, son obéissance au cours des années ont été exemplaires. Le père en témoigne : il a toujours été digne de son affection.

Mais c'est que le fils aîné a tiré de ces années de fidélité l'idée qu'il avait acquis des droits. Des droits sur ceux qui sont moins biens que lui, des droits même sur les biens, qu’il a mérités, et sur la personne de son père, l’image qu’il s’en fait. Face au publicain, le fidèle irréprochable pense avoir des droits sur les biens spirituels dont Dieu l'a chargé de les dispenser. Le fils aîné, qui s'acquitte depuis des années de ses responsabilités, en vient à penser qu'il a dès lors des droits, à commencer par le droit d'être l'incontournable voix de la sagesse, l'augure que l'on consulte, fût-ce au moins pour organiser une fête. (L'image de cette famille, bien sûr, peut concerner aussi l’Église d'hier ou d'aujourd'hui ou l’État et la citoyenneté.) Et voilà donc le fils aîné qui s'irrite. Et donc qui s'irrite pas tant contre son frère que contre son père, tel qu’il le voit.

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Car derrière tout cela, c'est un véritable procès qui est fait au père, un procès caché à travers lequel se dévoile le vrai procès qui est en train de se tramer dans l'ombre contre l'envoyé de Dieu, qui parle dans la parabole, Jésus.

Et puisqu’on met parfois en cause de nos jours aussi le père de la parabole, qui ne serait pas fameux comme père, je ne peux m’empêcher de penser à cette réponse que, dit-on, Freud aurait donné à cette femme qui se reprochait d’avoir pas bien élevé son fils au vu du résultat : « Madame, rassurez-vous, aurait dit Freud, quoique vous ayez fait, vous auriez mal fait ». Laissons donc le père tranquille. Ce père de la parabole n'est évidemment qu'une pâle image du Père céleste. On n’en sait que ce que ses fils en voient.

La façon la plus simple, et la plus classique, de lire la parabole reste que c’est le fils aîné qui est mis en question. En ce sens : ceux du parti de la piété, qu’il représente, sont devenus, c’est une tendance naturelle, les dépositaires des droits de Dieu. Mais comme le père de la parabole, Jésus se laisse émouvoir par ce qui l'émeut sans leur demander d’avis.

Quant à nous… Qu'en est-il pour nous du don de Dieu ; ou de notre joie devant l'accueil gratuit de ceux qui semblent le gaspiller ? Qu'en est-il de notre tristesse, ou de notre amertume face à Dieu agissant sans nous consulter ? Autant de façons de s’éloigner du Père, qui nous connaissant comme ses enfants, n'attend même pas de nous le signe de sainteté d'un repentir exemplaire. Il n'attend pas d'entendre le discours préparé du fils prodigue. Il n'attend que de nous voir enfin près de lui tels que nous sommes, c'est-à-dire sous son regard, dont nous ne sommes pas maîtres. Déjà, il a préparé la fête de notre retour… La parabole du retour du fils prodigue est alors aussi celle du retour du fils aîné. Parce que finalement les deux sont éloignés de leur père. Et au-delà de leur père, Dieu attend leur retour. Il nous attend.


RP, Poitiers 6/03/16