dimanche 25 octobre 2015

"Que je retrouve la vue"




Jérémie 31, 7-9 ; Psaume 126 ; Hébreux 5, 1-6 ; Marc 10, 46-52

Marc 10, 46-52
46 Ils arrivèrent à Jéricho. Et, lorsque Jésus en sortit, avec ses disciples et une assez grande foule, le fils de Timée, Bar-Timée, mendiant aveugle, était assis au bord du chemin.
47 Il entendit que c’était Jésus de Nazareth, et il se mit à crier ; Fils de David, Jésus aie pitié de moi !
48 Plusieurs le reprenaient, pour le faire taire ; mais il criait beaucoup plus fort ; Fils de David, aie pitié de moi !
49 Jésus s’arrêta, et dit : Appelez-le. Ils appelèrent l’aveugle, en lui disant : Prends courage, lève-toi, il t’appelle.
50 L’aveugle jeta son manteau, et, se levant d’un bond, vint vers Jésus.
51 Jésus, prenant la parole, lui dit : Que veux-tu que je te fasse ? Rabbouni, lui répondit l’aveugle, que je retrouve la vue.
52 Et Jésus lui dit : Va, ta foi t’a sauvé.
(10-53) Aussitôt il recouvra la vue, et suivit Jésus dans le chemin.

*

Texte du jour en ce dimanche de la Réformation… Confiance… « Ta foi t’a sauvé ». On ne peut pas mieux dire. Nous voilà au cœur du message de l’Évangile tel que proclamé par Martin Luther et qui a bouleversé et comme fait renaître l’Europe du XVIe siècle.

Cela en réponse à une formulation claire du problème : « que veux-tu que je te fasse ? » a demandé Jésus à l’aveugle. Mais… que je voie ! Lumière que l’on espère, et reçoit enfin…

Seize siècle après le cri de l'aveugle de Jéricho… Un témoin, Gérard Roussel, proche de Lefèvre d’Étaples et réfugié en 1525 à Strasbourg avec lui, rapporte ce qu’il y voit. Le culte du dimanche :

« [Près de la table de la Cène] le ministre […] lit quelques prières tirées des Écritures et […] tout le monde chante un psaume. […] Le ministre ayant encore prié, il monte en chaire, et lit d’abord de façon à être compris de tous, l’Écriture qu’il veut expliquer… Le sermon fini, le ministre revient à la table. Tout le monde chante le symbole. Après quoi il est expliqué au peuple pour quel usage le Christ nous a donné la Cène… (…) Le ministre prend la Cène en dernier et achève le reste [approche luthérienne selon toute apparence]. Après quoi chacun se retire dans sa maison, pour revenir au grand temple, après dîner, environ à midi, et entendre le sermon que le pasteur adresse au peuple. »

Faim de la parole de vie et soif de lumière. La Réforme a produit ces effets en l’espace de quelques mois, bouleversant tant Strasbourg comme dans ce texte, que tout le continent, des bouleversements au cœur religieux du XVIe siècle.

La parole a germé à temps — et à contretemps, comme à Genève, d’où on a chassé Calvin… pour le rappeler, après qu’il ait été à Strasbourg et y ait, à ses dires, beaucoup reçu de la Réforme qui y a lieu de la façon que l’on vient d’entendre.

La Réforme est née de la parole de Dieu. L’Église en tout temps naît de la parole de Dieu, parole prêchée et confirmée par les sacrements. C’est ce qu’on vient d’entendre de l’Église de Strasbourg au XVIe siècle, une parole prêchée que les fidèles veulent réentendre l’après-midi. Et pourtant le matin la prédication a déjà duré une heure en moyenne ! Manifestement on a faim, non seulement de pain, mais de toute parole de Dieu.

Le sentiment est prégnant que de là naît la vie, de là jaillit la lumière, dont on sent avoir été privé, comme pour l’aveugle de Jéricho — Bar-Timée — au nom mélangé d’araméen — Bar, « fils de » — et du nom grec de son père, Timée : fils de Timée, de celui qui est digne d’honneur…

Cette histoire de Bar-Timée en ce jour de fête de la Réformation m’a fait penser à la devise des vaudois italiens, recherchant la parole de lumière dès longtemps avant la Réformation, devise tirée du prologue de l’évangile de Jean : lux lucet un tenebris : « la lumière luit dans les ténèbres » (Jean 1, 5) : « Jésus dit à Bar-Timée : Va, ta foi t’a sauvé ». Parole de la Réforme que la parole de la foi, jaillie de la Bible pour Luther comme Évangile de la libération ; parole de la foi seule qui jaillit comme lumière du cœur des Écritures, comme prédication — proclamation — de la parole de Dieu.

Cinq siècles après Luther, vingt siècles après Bar-Timée nous savons-nous encore affamés et aveugles ? Ou serait-ce à dire qu’on a perdu le sens de la soif de lumière, le sens de la source de la lumière qui fait crier l’aveugle ?… Et qui rassemble les Strasbourgeois pour une journée d'écoute de la parole prêchée…

Autres temps, autre capacité d’attention sans doute — mais même aveuglement pourtant, même faim, même soif. On est avec Bar-Timée à l’époque de la parole annoncée de témoin en témoin, au XVIe siècle on est à celle de la diffusion de la Bible par écrit grâce à l’imprimerie, chose inquiétante pour plusieurs, comme Socrate s'inquiétait en son temps des ravages de l'écriture sur la mémoire des peuples... et comme aujourd’hui on peut s’inquiéter de l’effet la diffusion de l’image et du numérique sur la capacité d’attention.

Mais la même vérité demeure, celle qui a rendu la vue à l’aveugle, et qui aujourd’hui ouvre toujours les yeux qui se savent aveugles : la parole de Dieu est parole de vie, elle seule peut vivifier l’Église — en toutes ses confessions.

Aujourd'hui résonne toujours cette certitude intime qui est celle de Bar-Timée quant à la source de la vie nouvelle, source du recouvrement de la vue, la foi seule qui naît de la présence de Jésus : « ta foi t’a sauvé ». Foi qui sourd de la parole de Dieu : « là où la parole de Dieu est droitement prêchée et reçue, et où les sacrements sont administrés selon l’institution du Christ, là est l’Église ».

Pour que cette conviction se concrétise pour le salut du monde, il reste à chacun de nous de se savoir aveugle, comme Bar-Timée, et de crier vers celui qui passe : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi », même si comme Bar-Timée, on veut nous faire taire. Du cœur de nos ténèbres, du cœur de notre nuit, ne savons-nous pas qu’il est la source de la lumière ?

Ne connaissons-nous pas, comme lui, notre problème ? « Que veux-tu que je te fasse ? » lui demande Jésus — nous demande Jésus. « Mon maître, lui répondit l’aveugle, que je recouvre la vue. Et Jésus lui dit : Va, ta foi t’a sauvé. » Confiance !

« Que je retrouve la vue » — que telle soit notre prière, à laquelle Jésus a répondu : « Ta foi t’a sauvé. »

Ils appellent l’aveugle, en lui disant — en nous disant : « Prends courage, lève-toi, il t’appelle » — pour faire résonner tout à nouveau en toi la parole de la vie : « ta foi t’a sauvé ».


RP,
Châtellerault, dimanche de la Réformation, 25.10.15


dimanche 18 octobre 2015

La demande des Zébédée




Ésaïe 53, 10-12 ; Psaume 33 ; Hébreux 4, 14-16 ; Marc 10, 35-45

Marc 10, 35-45
35 Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : "Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander."
36 Il leur dit : "Que voulez-vous que je fasse pour vous ?"
37 Ils lui dirent : "Accorde-nous de siéger dans ta gloire l’un à ta droite et l’autre à ta gauche."
38 Jésus leur dit : "Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ?"
39 Ils lui dirent : "Nous le pouvons." Jésus leur dit : "La coupe que je vais boire, vous la boirez, et du baptême dont je vais être baptisé, vous serez baptisés.
40 Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder: ce sera donné à ceux pour qui cela est préparé."
41 Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean.
42 Jésus les appela et leur dit : "Vous le savez, ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination.
43 Il n’en est pas ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur.
44 Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous.
45 Car le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude."

*

Au temps de notre épisode, on approche de l’entrée à Jérusalem, et donc du triomphe des Rameaux. Contre un roi, Hérode, rendu impopulaire par les excès et la licence que lui permet, croit-il, le pouvoir — des extravagances du luxe à la licence sexuelle que dénonçait Jean le Baptiste en rappelant que la loi commune vaut aussi pour les puissants — ; contre cela Jésus semble de plus en plus proche d’accéder au trône.

D'où la question des frères Zébédée : les frères Zébédée cherchent naturellement des porte-feuilles ministériels, selon le népotisme commun dans les cercles du pouvoir d’alors. Comme membres de l'entourage du futur dirigeant, ils sont en proie à « la fièvre des sondages » ; et s’inquiètent de savoir qui parmi eux est le plus grand, c'est-à-dire à qui seront distribués les meilleurs postes. De jour en jour, la fièvre monte.

Le texte d'aujourd'hui nous montre que la réponse de Jésus quelques chapitres auparavant ne les a pas apaisés : contrairement à ce qu’il en est dans ce monde, dans le Royaume de Dieu le premier est le dernier, leur avait-il dit après avoir placé un enfant au milieu d'eux. Et revoilà quelques épisodes plus loin, suite à une annonce renouvelée et précisée par Jésus de sa mort et de sa résurrection, à Jérusalem, la même interrogation par deux disciples, mais précisée, elle-aussi ; explicite cette fois.

Deux parmi les disciples, décidément persévérants, les fils de Zébédée, posent la question directement : « donne-nous d'être assis l'un à ta droite, l'autre à ta gauche dans ta gloire » (Mc 10, 37) : Premier ministre et ministre des finances.

D’emblée la demande des frères Zébédée provoque l'indignation des dix autres disciples : indignation qui peut-être n’a pas d’autre sens que la demande des Zébédée, d’ailleurs. Signifie-t-elle en effet autre chose que : « et nous alors ? » Décidément, on apprend difficilement. Évidemment les disciples n'ont sans doute pas clairement compris, ici comme dans l'épisode précédent, que Jésus vient de leur parler de lui en mentionnant le Fils de l'Homme. Et ils n'ont pas reçu ses annonces de sa propre crucifixion, présentée comme la coupe et le baptême qu'il doit boire, de façon littérale.

Mais Jésus vient ainsi de leur donner une réponse, apparemment obscure, il est vrai. Elle concerne sa prochaine persécution. Pourront-ils la partager ? Plutôt que le triomphe, c’est le rejet qui les attend. Ils le partageront, il est vrai, chacun à sa façon, comme tous les disciples. Mais ce qu'ils demandent, ils l'ignorent, leur répète Jésus. On va y revenir, pour saisir mieux de quoi il s'agit en fait dans les « positions » à droite et à gauche de Jésus.

Comme tout au long de l'évangile, les disciples ont de la peine à comprendre et à accepter que Jésus va mourir, et mourir ainsi, crucifié — selon le châtiment que pratiquent les Romains — par des Romains que eux s’attendaient sans doute à voir renversés. Il leur semble tellement invraisemblable que Dieu veuille que celui en qui ils voient le Messie meure ainsi qu'ils n'arrivent pas à l'entendre même quand Jésus le leur répète de façon explicite. C'est qu'ils attendent un règne, l’élévation de Jésus dans la gloire divine, pas une vie humiliée, « brisée par la souffrance » ; pas une vie donnée en rançon pour beaucoup, pour reprendre les termes des prophètes (comme ici Ésaïe) que Jésus s’applique.

Évidemment donc, une fois encore les disciples n'ont pas compris ce que Jésus donnait en réponse aux frères Zébédée. Alors, il les éclaire à nouveau — un peu plus : le plus grand dans son Royaume est celui qui est serviteur de tous…


Mais que cela est lourd, sinon à saisir, du moins à vivre ! Et nous ? Quel poste revendiquons-nous dans les ministères de ce Royaume où il n'y a ni juif ni païen, ni homme ni femme, ni esclave ni libre ? Quel service attendons-nous de celui ou celle vers qui Dieu nous envoie pour servir ?

Mais voilà — en un monde où prime la compétition — voilà qu’une autre dimension est offerte par le Christ, mystérieuse et cachée — la source d’un vrai apaisement ! Laisser à Dieu le soin de savoir ce qui revient à chacun. Et puis, ce que nous sommes vraiment, Dieu le sait, Dieu qui nous envoie servir, simplement, tel que nous sommes.

En attendant le Royaume donc, être simplement serviteurs : le trône du Christ est sa croix, sa couronne est d'épines. La coupe qu'il doit boire est son supplice, son baptême est son engloutissement dans les eaux sombres de la mort.

Voilà certes qui semble peu enviable, quand on espère des postes similaires à ceux des royaumes de ce monde. Mais mon Royaume n’est pas de ce monde dira bientôt Jésus à Pilate. Et du cœur de cela, je vous donne ma paix. Vous recevrez ce que Dieu vous prépare, le meilleur pour vous.

Il est donc vrai que les disciples recevront bien la place qui leur est réservée dans le Royaume. Mais comme Dieu l'entendra — en fait à travers la souffrance partagée du Christ.

Concrètement il est aussi question des épreuves courantes de nos vies, mais transfigurées par lui ; ce qui n’est évidemment pas nécessairement dans un martyre personnel. Bien que, quant aux places à sa droite et à sa gauche, on saura bientôt ce qu’il en est : celles des brigands crucifiés de part et d’autre de Jésus (cf. Mc 15, 27).

Et puisque les postes à sa droite et à sa gauche sont ceux de ces hommes en rien exemplaires qui l'entourent sur la croix, il est encore ici question d’humilité ; pas question non plus dès lors pour les disciples d’entrer dans cette folie qui ferait de la mort une gloire désirable ; au prix des pleurs et de la souffrance d’autrui.

Quoiqu’il arrive, c’est Dieu qui décide, et pour nous aussi ; pour certains disciples, comme pour Jésus (il parle à quelques jours du moment tragique que l’on sait) ; pour lui, pour certains aussi de ceux qui ont lutté par la suite pour notre liberté d’aujourd’hui, il faudra certes mourir. Mais rien à arracher dans je ne sais quel orgueil. Servir simplement…

Calvin le dit en ces termes : « Cependant que j'avais toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m'a tellement promené et fait tournoyer par divers changements, que toutefois il ne m'a jamais laissé de repos en lieu quelconque, jusqu'à ce que malgré mon naturel il m'a produit en lumière, et fait venir en jeu, comme on dit. »

Pour nous aussi il nous appartient simplement de servir, et c’est au fond cela qui est difficile s’agissant de suivre Jésus : servir, non être servis, quelle qu’en soit la façon. C’est bien sûr le programme pour lequel nous sommes appelés s’agissant de le suivre. Et nous en sommes bien incapables.

D’où cette consolation du passage de l’épître aux Hébreux dans les lectures de ce jour — Hé 4, 14-16 : « il a été éprouvé en tous points comme nous. »

« Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être aidés quand nécessaire » : il a été à notre place.


R.P., Poitiers, 18.10.15


dimanche 11 octobre 2015

L'homme riche




Proverbes 3.13-20 ; Psaume 90 ; Hébreux 4.12-13 ; Marc 10.17-30

Marc 10, 17-30
17 Comme il se mettait en route, quelqu’un vint en courant et se jeta à genoux devant lui; il lui demandait: "Bon Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage?"
18 Jésus lui dit: "Pourquoi m’appelles-tu bon? Nul n’est bon que Dieu seul.
19 Tu connais les commandements: Tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas d’adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, tu ne feras de tort à personne, honore ton père et ta mère."
20 L’homme lui dit: "Maître, tout cela, je l’ai observé dès ma jeunesse."
21 Jésus le regarda et se prit à l’aimer; il lui dit: "Une seule chose te manque; va, ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, suis-moi."
22 Mais à cette parole, il s’assombrit et il s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
23 Regardant autour de lui, Jésus dit à ses disciples: "Qu’il sera difficile à ceux qui ont les richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu!"
24 Les disciples étaient déconcertés par ces paroles. Mais Jésus leur répète: "Mes enfants, qu’il est difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu!
25 Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu."
26 Ils étaient de plus en plus impressionnés; ils se disaient entre eux: "Alors qui peut être sauvé?"
27 Fixant sur eux son regard, Jésus dit: "Aux hommes, c’est impossible, mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu."
28 Pierre se mit à lui dire: "Eh bien! nous, nous avons tout laissé pour te suivre."
29 Jésus lui dit: "En vérité, je vous le déclare, personne n’aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Evangile,
30 sans recevoir au centuple maintenant, en ce temps-ci, maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et dans le monde à venir la vie éternelle.

*

Renvoyé à Dieu seul ! L'homme riche en appelle à Jésus qu'il sait à juste titre pouvoir considérer comme « bon Maître ». Jésus le renvoie à Dieu seul en lui rappelant le résumé de la Loi : ses responsabilités à l'égard de ses prochains. Seul responsable devant Dieu.

Voilà qui semble ne pas l’aider ! Et l'homme d’affirmer alors s'en être tenu aux commandements dès sa jeunesse ; ce qui renvoie au temps où il a appris à connaître la Loi, le temps de la bar mitsvah, âge de la responsabilité devant Dieu.

Matthieu et Luc l'ont souligné en parlant d'un jeune homme riche, le titre courant de notre passage. Marc, lui, ne parlant pas de l'homme comme d’un jeune homme, malgré ce que suggèrent nos habitudes, nous pouvons bien saisir que cela nous concerne évidemment tous, quel que soit notre âge. Cela dit, la jeunesse de l’homme semble indiquée par sa remarque-même, empreinte d’une certaine candeur, propre à la jeunesse : « j’ai observé tout cela » dit-il des commandements — signe de jeunesse effectivement que de se croire si parfaitement en règle, signe propre à émouvoir le regard attendri de Jésus : « Jésus se prit à l’aimer ».

Nous connaissons la loi de Dieu, source de la libération, nous connaissons l'Évangile de la liberté, et nous savons pourtant que nous en sommes souvent bien loin, poursuivant cette liberté par nos façons de nous évertuer à l’obtenir par nous-mêmes quand elle est don gratuit, promesse de la parole initiale de la Loi : « je suis le Seigneur qui t’ai libéré ». Dieu ne cesse de nous appeler hors de notre esclavage pour nous accorder une liberté qui nous coûtera nécessairement cher — le texte parlera carrément de persécutions —, cher donc, à commencer par le plan strictement financier — laisse tous tes biens…

*

Et là on va passer du premier plan de notre texte, la relation aux commandements qui nous placent dans la responsabilité, la capacité de répondre par le service, à un second plan, celui où en même temps le commandement nous dépouille de notre volonté d'être servis, comme des riches ; un plan où il nous met dans l'humilité devant Dieu, en nous disant l'exigence de l'obéissance.

Face au commandement reconnu, nous sommes à nu, dans une radicale humilité, disponibles à être aimés. Où la remarque « Jésus se prit à l’aimer » trouve un deuxième aspect. Dépouillés, seuls devant Dieu. C'est ce que Dieu nous demande à tous. Rompre d'avec tout ce qui nous fait exister à nos propres yeux. Rupture d’avec nos prétentions, qui nous font croire que telle ou telle chose nous est due. Rupture aussi, donc, d'avec nos biens, mais aussi d’avec nos proches et puis d’avec nous-mêmes.

Au devant de cela, il est question de nos biens. C'est là le test décisif. C'est là que Jésus rend le problème de son interlocuteur visible. Les parents, les proches, il y revient après, avec ses disciples. C'est fondamental, mais plus difficilement visible.

La question de ses biens rend l'esclavage de l'homme clairement visible : il n'est pas face à Dieu, comme l'exige la bar mitsvah, mais face à son statut social, à ce que l'on pense de lui, à la façon dont on le regarde, ou en termes de biens, face au crédit que lui donne sa richesse.

Où le respect des commandements, réel, et utile — rien à dédaigner dans ce comportement de cet homme, que Jésus apprécie — s’avère fonder son vrai sens, quant à la liberté.

Car en regard de ce qu’il en est pour cet homme de son statut et de son prestige, où ce respect des commandements devenait un des éléments du prestige social — s’il n’est question que de cet angle-là, l’homme y perd sa liberté, ou plutôt il ne l'a pas acquise : il a reçu du commandement non pas l'humilité qui libère et que crée l'exigence de l'obéissance, mais la prestance de celui qui est donné pour être en règle.

Où il perd la liberté de considérer les autres autrement que de haut ; dans notre texte, celle de considérer les pauvres comme dignes de bénéficier eux aussi de sa richesse, puisqu’il s’agit de la leur distribuer ; mais elle a trop d'importance pour sa vie !

Où l’on touche au cœur des choses ! Quand on devient concret à ce point, celui du coût de la grâce gratuite… Eh bien précisément l’Évangile est là et nulle part ailleurs ! Il ne nous rencontre que là. Ailleurs, il est abstrait, n’engage pas. Ce qu’a bien perçu l’homme de notre texte, d’où sa tristesse.

La grâce coûtera tout. Voilà ce que dit Jésus par ses propos à notre homme. Et c’est là ce que l’on évite en permanence, se contentant de l’Évangile comme scandale pour la raison — quand on aura dit les miracles et la résurrection — ; si encore on n’atténue pas même cela !

Mais le vrai scandale est plus que celui de la seule raison qui refuse ce qui n’est pas raisonnable. Le scandale de l’Évangile est en ce qu’il faut abandonner ! Prendre sa croix est suivre Jésus en abandonnant jusqu’à sa propre vie. On l’a à nouveau à la fin de notre texte, lorsque Jésus explique aux disciples ce qui s’est passé avec ce pauvre riche, riche devenu tout triste. Tout abandonner, et cela concrètement…

Car les disciples ont compris l’enjeu : qui peut être sauvé, à ce compte ?

*

Revenons à notre homme. Il vit dans le mensonge de sa propre justice — apparente, quoique réelle. Il n'est dès lors pas libéré — non plus que de la dépendance des hommes, à commencer par le regard de ses proches. Il est, comme l'ont relevé Matthieu et Luc, un jeune homme, un perpétuel jeune homme, dont la vie devant Dieu manque toujours de sa conséquence : la liberté.

L’homme est à présent face au Christ auquel il s'est adressé au départ, mais frustré. C'est qu'il n'est d'être à l'image du Christ, d'être vrai, que devant Dieu seul, seul bon. Et cela suppose, tôt ou tard, l'abandon de tout ce dont notre vie serait censée dépendre, à commencer bien sûr par les parents et tous les proches — Jésus le dira à ses disciples, et jusqu'à tout ce qui peut donner un statut social, et notamment par la richesse. Et là c’est concret. Que cela paraît difficile !

Mais il n'est en dehors de cela pas de liberté possible, pas de libération évangélique, pas d'être digne du Christ.

Pas plus d'entrée dans le Royaume de Dieu qu'il n'est pour un chameau de passage à travers un trou d'aiguille. Impossible, donc, comme le remarquent les disciples. Impossible aux hommes !… mais pas à Dieu. Encore le même retour : se placer sous son regard, hors du mensonge.

Sans quoi reste la tristesse d'être toujours dépendant, toujours frustré, de passer sa vie à s'en repartir tout triste.

Il faut en fait « abandonner père, mère, ses biens, etc., pour être digne de moi », dit Jésus. Cela pour mettre fin à la frustration de n'être jamais soi-même. Et Jésus l’a dit concrètement à l’homme triste : « tes biens ! » Car ça, c’est concret, pour lui. On sait en effet très bien qu’abandonner ses proches ne veut pas dire partir au désert et les laisser se débrouiller. Ici l’abandon est en quelque sorte symbolique : par exemple se préparer à l’inéluctable. Comme pour sa propre vie : il faudra partir… Mais en son temps. Donc tout va bien pour le moment.

Mais pour notre homme, Jésus a eu l’occasion de dire ce qu’il en est concrètement : la grâce gratuite te coûtera tout, tôt ou tard. Tu devras tout laisser, et donc le savoir, l’accomplir, dès maintenant. Ce à quoi tu veux t’engager en me posant ta question, celle du salut, je te dis à présent ce qu’il en est. Tu veux connaître le salut ? Mais ça va tout te coûter. Tout. Dieu ne te laissera rien. Alors va, vends tout, distribue tout.

« Ce salut est impossible », ont dit les disciples. « C’est vrai ! » répond Jésus. Alors, « comptez sur Dieu… Suivez son appel avec confiance, jour après jours, sachant que cela vous coûtera tout. » Tout ! Et cela nous vaudra de recevoir dès cette vie, au centuple ce qu'il nous a semblé si dur de lâcher. Cela coûte tout, jusqu'à la persécution : déjà celle de subir la moquerie, pour prix de n'être pas comme un mouton.

Il n'est pas facile de se résoudre à recevoir ce qui ressemble à sa propre mort, renoncer à toute possession ; mort à soi-même indispensable pour la naissance d'en haut, la naissance à la liberté.

*

Alors seulement, un monde nouveau, prémisse des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, peut advenir. Un monde de relations humaines basées sur la reconnaissance de l'autre pour lui-même, être créé selon l'image de Dieu manifestée en Christ. Où l’on voit que c’est bien là l’Évangile, ou sa réception concrète.

S’ouvre alors une réelle possibilité d'accueil du prochain (n’oublions pas, il est question des commandements dans ce texte) ; accueil du prochain, celui qui s’approche, tel qu'il nous est donné sous le regard de Dieu, tel qu'il est, un regard qui nous en dévoile la valeur infinie. Les proches, Jésus y revient avec ses disciples. Un prochain radicalement autre, personnellement à l'image de Dieu, c'est-à-dire irréductible à ce à quoi nous voudrions le limiter. Le fruit de ce que dit Jésus au riche : « distribuer ses biens aux pauvres ». Qu'elle est dure, la liberté !

*

Voilà tout un programme, et qui n'est pas facultatif — un programme qui est le salut. Qui permet une réelle découverte de Dieu et de notre prochain ! Cette découverte de ce prochain, riche en Dieu face à nous-mêmes — à commencer par ces prochains que sont nos conjoints, nos enfants, nos parents… —, découverte de nous-mêmes finalement, ne se fera qu'à travers la rupture que le Christ opère entre nos proches et nous, entre nous et nous. À travers notre abandon à Dieu ! Et concrètement, il s’agit d’abord bel et bien, de nos biens, de tous nos biens.


R.P., Poitiers, 11.10.15


dimanche 4 octobre 2015

Alliance




Genèse 2.18-24 ; Psaume 128 ; Hébreux 2.9-11 ; Marc 10.2-16

Genèse 2, 18-24
18 Le SEIGNEUR Dieu dit : "Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je veux lui faire un soutien qui lui soit accordé."
[…]
21 Le SEIGNEUR Dieu fit tomber dans une torpeur l’homme qui s’endormit ; il prit l’un de ses côtés et referma les chairs à sa place.
22 Le SEIGNEUR Dieu transforma le côté qu’il avait pris à l’homme en une femme qu’il lui amena.
23 L’homme s’écria : "Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair, celle-ci, on l’appellera femme car c’est de l’homme qu’elle a été prise."
24 Aussi l’homme laisse-t-il son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair.

Marc 10, 2-16
2 Des Pharisiens s’avancèrent et, pour l'éprouver, ils lui demandaient s’il est permis à un homme de répudier sa femme.
3 Il leur répondit : "Qu’est-ce que Moïse vous a prescrit ?"
4 Ils dirent : "Moïse a permis d’écrire un certificat de répudiation et de renvoyer sa femme."
5 Jésus leur dit : "C’est à cause de la dureté de votre cœur qu’il a écrit pour vous ce commandement.
6 Mais au commencement du monde, Dieu les fit mâle et femelle ;
7 c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme,
8 et les deux ne feront qu’une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair.
9 Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni."
10 A la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur ce sujet.
11 Il leur dit : "Si quelqu’un répudie sa femme et en épouse une autre, il est adultère à l’égard de la première ;
12 et si la femme répudie son mari et en épouse un autre, elle est adultère."
13 Des gens lui amenaient des enfants pour qu’il les touche, mais les disciples les rabrouèrent.
14 En voyant cela, Jésus s’indigna et leur dit : "Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux.
15 En vérité, je vous le déclare, qui n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas."
16 Et il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

*

Dans les années 1930 et 1940, le célèbre résistant allemand au nazisme, le pasteur Dietrich Bonhoeffer — un des deux plus célèbres témoins protestants du XXe siècle, avec le pasteur Martin Luther King vingt ans plus tard, de l’engagement concret, jusqu’à leur mort, pour la foi du Christ — Dietrich Bonhoeffer dénonçait ce qu'il appelait « la grâce à bon marché », laquelle se caractérise par ce qu'elle nous épargne les implications coûteuses de l'Évangile.

La grâce à bon marché voudrait nous épargner l'effort sérieux en vue de l’abandon de soi, voudrait nous épargner le travail réel qui est d'entrer dans la grâce du Christ, bref, l’engagement qui est de recevoir la Parole vraie de la vie éternelle, Parole vraie de ce qu'elle confronte vraiment le règne de l'illusion et du mensonge, de ce qu’elle coûte, donc.

Eh bien, c’est la réponse que Jésus donne — à côté, apparemment, de la question qui lui est posée sur la répudiation. Engagement — ici l’un envers l’autre — comme Dieu s’engage envers nous. Engagement comme signe de ce Dieu qui s’engage envers nous : c'est un engagement dont lui seul est garant — au-delà de la faiblesse des hommes, notre « dureté » (littéralement « sclérose du cœur »), qui est ce qu’elle est, et que Jésus ne nie pas. Dieu s’engageant pour nous devient en Christ une seule chair avec nous, comme homme et femme deviennent ce qu’ils sont, une seule chair.

Soulignons que la question posée à Jésus est celle de la répudiation ; pas du divorce — de la répudiation que Moïse a permis d’organiser en divorce : et c’est bien ce dont a parlé Moïse. Mais ce n’est pas ce dont parle Jésus. Un peu comme quand on vient lui soumettre une question d’héritage — Luc 12, 13-14 : « Quelqu’un dit à Jésus, du milieu de la foule : Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. Jésus lui répondit : Ô homme, qui m’a établi pour être votre juge, ou pour faire vos partages ? » Ici de même il ne répond pas à ce qui lui est demandé. « Pour cela, voyez la Loi, qui rend les choses humaines : "Qu’est-ce que Moïse vous a prescrit ?" demande-t-il. Si Moïse vous a donné la procédure concernant ce que vous me demandez, moi je suis venu pour autre chose ».

Au-delà des questions d’organisation concrète du quotidien (non que Jésus dédaigne ces questions, mais pour cela il renvoie à Moïse — et sa réponse implique une interprétation des plus humaines de la loi de Moïse) — au-delà de ces questions, est celle de la grâce.

La grâce est grâce qui coûte — qui coûte tout mais qui est grâce, gratuité, don miraculeux de Dieu ; qui est gratuite et qui coûte cependant, qui coûte tout.

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Telle sera, à bien y regarder, la réponse de Jésus à une question apparemment d’une autre nature, sur les dispositions de la Loi de Moïse concernant la répudiation.

La controverse dans laquelle on tente de faire entrer Jésus est connue — controverse entre les disciples de Hillel et ceux de Chammaï, deux figures rabbiniques célèbres représentant deux courants d’interprétation : plus souple d’un côté, mais pouvant, à force de sembler le faciliter, aller jusqu’à rapprocher le divorce d’un renvoi pur et simple — façon de retour à la répudiation — ; interprétation plus rigoureuse de l’autre. Il est clair que pour Jésus, Moïse a visé à humaniser la répudiation, en l’organisant comme divorce, donnant des droits à la partie répudiée. « Je hais la répudiation » disait Dieu par les prophètes (Malachie 2, 16). Les dispositions juridiques envisagées par Moïse visent à mettre de l’humanité face à la dureté du cœur humain, à donner des droits dans une situation qui pourrait être catastrophique pour la répudiée, pouvant sans cela être réduite à la plus sombre misère.

Mais c’est une réponse à un tout autre plan que Jésus donne, dépassant la question humaine et concrète qu’on lui pose (retournant même, devant ses disciples, l'argument des plus rigoureux des commentateurs de Moïse qui ne toléraient de divorce qu'en cas d'adultère : celui qui prend l'initiative de la répudiation est dans la même situation !). On lui parle répudiation, il répond alliance : « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ». Ce qui renvoie à l’Alliance que Dieu scelle avec les êtres humains, dite à travers une alliance très concrète entre un homme et une femme.

Alliance. C’est le thème qui est au cœur de l’histoire biblique, qui nous présente l'amour de Dieu pour son peuple comme similaire à celui d'un homme et d'une femme. Du coup, un amour humain, qui fonde une Alliance — le mariage —, est appelé à dire en signe ce qu'est cette autre Alliance, l’Alliance que Dieu a scellée avec nous. Comme Dieu tout Autre. De même que rien n'est plus autre, plus étranger qu’un homme et une femme. Au point qu'homme et femme semblent n'être pas faits pour vivre ensemble — même s'ils ne peuvent se passer l'un de l'autre ! Trop différents ! Comme Dieu et homme ! Là s'origine le mariage ; scellement entre deux êtres radicalement étrangers, deux côtés, se sentant incomplets sans l'autre, vis-à-vis d’une même chair scindée, avant de devenir la seule chair dont ils sont issus.

Dans cette perspective, on ne se marie pas parce qu’on se ressemble, mais précisément parce qu’on est deux êtres scindés, et en ce sens radicalement différents avant de se retrouver comme chair unique ; sans quoi il n’y aurait même pas besoin d’un tel lien, nécessaire entre des différences insurmontables ; et ainsi, sachant cela, on mesure un peu combien l’engagement coûte.

Radicalement étrangers, venant de deux mondes radicalement étrangers, serait-on voisins de palier. D’où la rupture de chacun d’avec ce qu’il fut. Et cela, c’est difficile. Difficile comme un accouchement l’est pour une mère. Difficile, voire impossible ! Et pourtant, c’est par là que le monde se crée. Le monde n’est fécond que de ses différences.

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C’est comme l’union, l’Alliance entre Dieu et les hommes, finalement scellée en Jésus Christ Dieu et homme, fils de Dieu venu en chair. Apparemment l’alliance de la carpe et du lapin ! Impossible ! Mais ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu.

Ainsi, Dieu s’est uni à l’humanité, sorte de mariage — une Alliance — pour une seule chair, de sorte que désormais, l’homme ne peut pas séparer ce que Dieu a uni. On est au cœur de la parole chair donnée en Jésus. Et ça c’est le salut, pourvu que nous y entrions, car il n’est point question ici, on l’a compris, de grâce à bon marché.

Voilà une Alliance qui coûte tout aux deux parties. Un abandon. Qui a tout coûté à Dieu, en Jésus devenu vrai homme, jusqu’aux épreuves des hommes, jusqu’à une mort d’homme — Héb 2, 9, texte de l’Épître du jour : « celui qui a été abaissé quelque peu par rapport aux anges, Jésus, se trouve, à cause de la mort qu’il a soufferte, couronné de gloire et d’honneur. Ainsi, par la grâce de Dieu, c’est pour tout homme qu’il a goûté la mort. » Cela a tout coûté à Dieu… et nous coûtera tout : celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui l’abandonne la trouve pour l’éternité.

Alors perce la récolte de la fécondité du monde : « Des gens lui amenaient des enfants pour qu’il les touche, mais les disciples les rabrouèrent. En voyant cela, Jésus s’indigna et leur dit: "Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas… » (Marc 10, 13-14)

Il s’agit bien d’accueillir le Royaume, qui naît — comme l’enfant — de la fécondité de l’impossible : « le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux », nés de l’impossible qui coûte tout, qui a tout coûté à Dieu.


RP, Poitiers, 4.10.15