dimanche 15 décembre 2013

"Ni mal, ni destruction"




Ésaïe 35, 1-10 ; Psaume 146 ; Jacques 5, 7-10 ; Matthieu 11, 2-17

Ésaïe 11, 8-9
8 Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra. Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main.
9 Il ne se fera ni mal, ni destruction sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du SEIGNEUR, comme la mer que comblent les eaux.

Matthieu 11, 2-11
2 Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Il lui envoya demander par ses disciples :
3 « Es-tu “Celui qui doit venir” ou devons-nous en attendre un autre ? »
4 Jésus leur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez :
5 les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ;
6 et heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! »
7 Comme ils s’en allaient, Jésus se mit à parler de Jean aux foules : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? Un roseau secoué par le vent ?
8 Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d’habits élégants ? Mais ceux qui portent des habits élégants sont dans les demeures des rois.
9 Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le déclare, et plus qu’un prophète.
10 C’est celui dont il est écrit : Voici, j’envoie mon messager en avant de toi ; il préparera ton chemin devant toi.
11 En vérité, je vous le déclare, parmi ceux qui sont nés d’une femme, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.

*

« Qu'êtes-vous allés voir au désert ? » — Celui qui préparera le chemin devant le Seigneur, selon le prophète Malachie (3, 1) ; celui qui annonce la lumière mais qui n'est pas lui-même la lumière, selon les mots par lesquels commence l’Évangile de Jean... « Qu'êtes-vous allés voir au désert ? » — Un grand prophète, dit Jésus : Jean le Baptiste, à présent emprisonné.

Immense prophète, Jean le Baptiste n'est pourtant pas la lumière, mais il annonce celui, Jésus, en qui est venue la parole de lumière — « en elle était la vie et la vie était la lumière des hommes », lumière de la parole créatrice : « rien n’a été fait sans elle — tout ce qui a été fait a été fait par elle » (Jean 1, 3-4 sq.).

« Qu'êtes-vous allés voir au désert ? »

Que voit-on de la Création, au désert, sinon ce qui semble avoir été fait sans la parole, sans la lumière ? Le chaos où gît la nature en souffrance — jusqu’à ce que « Celui qui doit venir » prenne sur lui cette souffrance et la mène — elle d’abord désert et souffrance — au statut de Création accomplie dans la lumière de la parole éternelle.

De la souffrance à la gloire. C'est ce que la Création découvre en Jésus, par le regard de la foi des disciples : ainsi, « allez raconter à Jean ce que vous voyez ». Voilà que nous est annoncé un monde sauvé et achevé ; à la question des disciples de Jean, Jésus répond : « allez raconter à Jean ce que vous voyez »…

Et de citer Ésaïe 35 :
5  les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s’ouvriront.
6 Alors, le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie.
[Et puis,] Des eaux jailliront dans le désert, des torrents dans la steppe.
7 La terre brûlante se changera en lac, la région de la soif en sources jaillissantes. Dans le repaire où gîte le chacal, l’herbe deviendra roseau et papyrus.

*

Ce sont les premiers signes de ce qui s'annonce selon le même Ésaïe comme la réconciliation de l'univers entier.

Ésaïe 11, 1-11
1 Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines.
2 Sur lui reposera l’Esprit du SEIGNEUR : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de vaillance, esprit de connaissance et de crainte du SEIGNEUR
3 — et il lui inspirera la crainte du SEIGNEUR. Il ne jugera pas d’après ce que voient ses yeux, il ne se prononcera pas d’après ce qu’entendent ses oreilles.
4 Il jugera les faibles avec justice, il sera juste envers les pauvres du pays. De sa parole, comme d’un bâton, il frappera le pays, du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant.
5 La justice et la fidélité seront la ceinture de ses hanches.
6 Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira.
7 La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits, même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage.
8 Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra. Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main.
9 Il ne se fera ni mal, ni destruction sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du SEIGNEUR, comme la mer que comblent les eaux.

*

« J’estime, écrit Paul, que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, — non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement » (Romains 8, 18-22).

Un naturaliste connu, Théodore Monod, parle d’un crapaud croisé dans son enfance, et dont il se souvient, en notant : « la nature est emplie d’horreur, de souffrance et de sang. Jeune encore, lorsque je commençais à m’intéresser à l’histoire naturelle, j’ai rencontré [...] un malheureux crapaud, dont le visage, la face était partiellement détruite par la croissance d’une larve de [mouche]. Certaines pondent dans les fosses nasales des crapauds ; la larve, en se développant, détruit une partie de la tête de ce malheureux animal. [...] Les parasites composent un monde incroyable. Il s’en trouve partout. Il n’est pas une espèce animale qui ne connaisse ses parasites externes ou internes. Ces derniers peuvent causer des ravages physiques considérables, provoquant des souffrances qui ne le sont pas moins. »

Et auparavant Th. Monod a évoqué les fauves… C’est là la nature. Qui relève d’un présent inabouti, ou en termes bibliques, d’un projet déchu. Ce qui s’ouvre en réponse à la question des disciples de Jean comme annonce de la nouvelle Création, c’est la porte et l’espace d’un monde nouveau. Le passage de la nature à la Création nouvelle.

Lorsque les disciples du Baptiste envoient demander à Jésus s'il est celui qui est annoncé, la réponse est : dites ce que vous voyez. Comme l’annonçait le prophète Ésaïe, « les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » « Des eaux jailliront dans le désert, des torrents dans la steppe. » S’annonce alors la réconciliation de l'univers entier, par la révélation des enfants de Dieu : la promesse de la résurrection de l'univers. « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira... Etc. Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main. Il ne se fera ni mal, ni destruction sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du SEIGNEUR, comme la mer que comblent les eaux. »

Cela échappe à notre compréhension. Mais telle est l’ampleur de la promesse : un monde ressuscité, amené à la plénitude du projet créateur de Dieu, d'où toute violence est bannie. Une création entière enfin apaisée... et cela commence par de toutes petites choses, par de simples gestes et paroles d'apaisement — « la bonne nouvelle annoncée aux pauvres ». De cela, le pouvoir nous a été donné par celui l'a fait dire au Baptiste dans sa prison. Il donne pour notre foi à chacun de nos gestes de paix la plénitude de sa force de résurrection.


RP,
Poitiers, 3e dimanche de l'Avent, 15/12/13


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