dimanche 14 juillet 2013

"Celui qui a fait preuve de bonté envers lui"




Deutéronome 30, 10-14 ; Psaume 19, 8-12 ; Colossiens 1, 15-20 ; Luc 10, 25-37

Luc 10, 25-37
25 Et voici qu’un légiste se leva et lui dit, pour le mettre à l’épreuve : "Maître, que dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle ?"
26 Jésus lui dit : "Dans la Loi qu’est-il écrit ? Comment lis-tu ?"
27 Il lui répondit : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même."
28 Jésus lui dit : "Tu as bien répondu. Fais cela et tu auras la vie."
29 Mais lui, voulant montrer sa justice, dit à Jésus : "Et qui est mon prochain ?"
30 Jésus reprit : "Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, il tomba sur des bandits qui, l’ayant dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort.
31 Il se trouva qu’un prêtre descendait par ce chemin ; il vit l’homme et passa à bonne distance.
32 Un lévite de même arriva en ce lieu ; il vit l’homme et passa à bonne distance.
33 Mais un Samaritain qui était en voyage arriva près de l’homme : il le vit et fut pris de pitié.
34 Il s’approcha, banda ses plaies en y versant de l’huile et du vin, le chargea sur sa propre monture, le conduisit à une auberge et prit soin de lui.
35 Le lendemain, tirant deux pièces d’argent, il les donna à l’aubergiste et lui dit : Prends soin de lui, et si tu dépenses quelque chose de plus, c’est moi qui te le rembourserai quand je repasserai.
36 Lequel des trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme qui était tombé sur les bandits ?"
37 Le légiste répondit : "C’est celui qui a fait preuve de bonté envers lui." Jésus lui dit : "Va et, toi aussi, fais de même."

*

« Le bon samaritain » ou l’enseignement de la reconnaissance. L’histoire se termine par cette parole : « Toi, fais de même » — un appel à la reconnaissance en actes, à la gratitude.

« Qui est mon prochain ? » a demandé le légiste. On croyait recevoir une définition du prochain qui corresponde à une catégorie, du genre : c’est celui qui est proche de moi par l’ethnie, la nation, la foi partagée. Ou alors, le prochain apparaît comme celui qui s’impose à moi par ses besoins. Ainsi, presque jusqu’à la fin de cette histoire racontée par Jésus, on peut penser que le prochain est le blessé au bord de la route, celui, donc, qui a des besoins, celui qui a besoin de mon secours, celui dont la situation, qui pourrait être la mienne, remue mes entrailles, émeut ma compassion, comme elle émeut celle du Samaritain de l’histoire (ce qui certes est très bon).

Mais voilà qu’à la fin, on découvre que c’est l’inverse : le prochain n’est pas celui que l’on catégorise comme tel, ni celui qui serait reconnaissable par ses besoins, serait-ce par ce que ses besoins remuent mes entrailles…

Jésus ne conclut pas son histoire en disant : « le prochain est le blessé, le Samaritain a su s’en rendre compte » — a fortiori ne dit-il pas que c’est celui qui partage ma foi ; Jésus termine par une question : « lequel des trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme ? » La réponse est évidente, c’est celle que donne le légiste : « c’est celui qui a fait preuve de bonté envers lui ». Ce n’est donc pas le blessé, mais celui qui s’en est occupé, le Samaritain. Jésus a inversé la problématique : « lequel s’est montré le prochain ? »

Et Jésus de conclure : « Va et, toi aussi, fais de même. » Cette apparente absence de réponse (puisqu’on n’a toujours pas de définition du prochain !) — nous dit quelque chose d’autre ; nous oriente vers une autre direction. Qui est mon prochain ? C’est celui à qui je dois. Le Samaritain s’est montré le prochain du blessé, en se mettant en situation telle que le blessé lui doit — de la gratitude. Le prochain est celui qui se met en situation telle qu’on lui doive de la reconnaissance. Le blessé ne lui devra rien, au sens comptabilité (le Samaritain ne lui présente pas la facture de l’hôtelier), mais il lui doit tout, au sens de l’état d’esprit.

Savoir à qui l’on doit, et manifester sa gratitude en faisant de même, en se donnant donc des débiteurs (à qui remettre leur dette, comme nous le prions dans le Notre Père), voilà le nœud où se découvre le prochain, que l’on ne peut toujours pas catégoriser.

La problématique apparente est bien inversée : de qui dois-je faire à mon tour un débiteur, celui qui me doit de la reconnaissance (« fais de même ») ? De la gratitude.

Gratitude fondée sur le double commandement que vient de rappeler le légiste et que commente ici Jésus. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée » (Deut 6.5) « et ton prochain comme toi-même » (Lv 19.18). Ce n’est pas Jésus qui vient de donner le cœur de la Loi biblique, c’est le légiste. L’amour de Dieu à qui l’on doit tout trouve l’expression de la gratitude qu’il induit dans ce « fais de même. »

*

Voilà donc un texte, l’histoire du Samaritain et du blessé au bord de la route, étonnant, derrière ses aspects naïfs. Un texte qui commente le cœur de la Loi, mettant en vraie complicité Jésus et le légiste, qui au départ voulait savoir ce que Jésus avait dans le ventre.

Les deux, Jésus et le légiste, sont d’accord, ne nous y trompons pas. Au cœur de leur accord, en premier lieu le sens de la Loi. Et en second lieu le fait qu’elle ne donne pas de recette.

C’est ce qui ressort de la deuxième question du légiste, en écho à sa première sur la vie éternelle, façon de dire à Jésus : si nous sommes d’accord sur le cœur de la Loi, cela n’a pas répondu tout à fait concrètement à ma question sur la vie éternelle, question qui donc en a appelé une autre : qui est mon prochain ? En d’autres termes : comment est-ce que le double commandement qui résume la Loi biblique, ouvre concrètement sur la vie éternelle. La réponse sera : la grâce, dont l’expression est la gratitude.

Il faut se débarrasser de l’habitude de faire d’un tel texte une lecture qui invaliderait le judaïsme. Pour Jésus, le prêtre et le lévite présentés ici ne sont pas des représentants du judaïsme, mais de ce que précisément il n’est pas — un système à recette, où l’on saurait bien qui est le prochain : d’où, à provocation du légiste le mettant à l’épreuve (v. 25), provocation et demi de Jésus qui met en avant un Samaritain, censé être mal vu.

Le légiste a montré par sa question qu’il est au fond d’accord avec Jésus. Et a contrario, apparaît ce que Dieu attend de quiconque se réclame de lui, à l’égard de quiconque.

Jésus rappelle le destin et la vocation d’Israël, et de l’Église qui en hérite : donner ce que Dieu lui donne, en signe de gratitude. Une lecture d’un tel texte selon laquelle Jésus ferait une leçon de charité plus ou moins hautaine à un peuple légaliste — et à nous par ricochet —, revient tout bonnement à en ruiner le sens.

*

Gratitude, reconnaissance, envers Dieu, et envers ceux par qui il dispense ses bienfaits : compte les bienfaits de Dieu et ceux par qui il te les dispense…, si tu le peux.

Telle est la réponse à la question du scribe : qui est mon prochain ?… Trouver son prochain ?… C’est se montrer le prochain d’autrui en se constituant des débiteurs, comme a fait le Samaritain. Et leur remettre leurs dettes.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. » Et qui est mon prochain ? Celui à qui je dois ! Alors à ton tour, accumule les débiteurs à ton égard sans croire pour autant que l’on te doit quoi que ce soit. « Fais de même » que le Samaritain, dit Jésus au légiste : mets-toi en situation telle que l’on te doive, enrichis le monde, en devenant par là-même plus riche.


RP,
Poitiers, 14.07.13


dimanche 7 juillet 2013

"Réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux."




Ésaïe 66, 10-14 ; Psaume 66 ; Galates 6, 14-18; Luc 10, 1-20

Luc 10, 1-20
1 Après cela, le Seigneur désigna soixante-douze autres disciples et les envoya deux par deux devant lui dans toute ville et localité où il devait aller lui-même.
2 Il leur dit : "La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson.
3 Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
4 N’emportez pas de bourse, pas de sac, pas de sandales, et n’échangez de salutations avec personne en chemin.
5 "Dans quelque maison que vous entriez, dites d’abord : Paix à cette maison.
6 Et s’il s’y trouve un homme de paix, votre paix ira reposer sur lui; sinon, elle reviendra sur vous.
7 Demeurez dans cette maison, mangeant et buvant ce qu’on vous donnera, car le travailleur mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
8 "Dans quelque ville que vous entriez et où l’on vous accueillera, mangez ce qu’on vous offrira.
9 Guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : Le Règne de Dieu est arrivé jusqu’à vous.
10 Mais dans quelque ville que vous entriez et où l’on ne vous accueillera pas, sortez sur les places et dites :
11 Même la poussière de votre ville qui s’est collée à nos pieds, nous l’essuyons pour vous la rendre. Pourtant, sachez-le : le Règne de Dieu est arrivé.
12 "Je vous le déclare : Ce jour-là, Sodome sera traitée avec moins de rigueur que cette ville-là.
13 Malheureuse es-tu, Chorazin ! Malheureuse es-tu, Bethsaïda ! car si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient converties, vêtues de sacs et assises dans la cendre.
14 Oui, lors du jugement, Tyr et Sidon seront traitées avec moins de rigueur que vous.
15 Et toi, Capharnaüm, seras-tu élevée jusqu’au ciel ? Tu descendras jusqu’au séjour des morts.
16 "Qui vous écoute m’écoute, et qui vous repousse me repousse; mais qui me repousse repousse celui qui m’a envoyé."
17 Les soixante-douze disciples revinrent dans la joie, disant : "Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom."
18 Jésus leur dit : "Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair.
19 Voici, je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents et scorpions, et toute la puissance de l’ennemi, et rien ne pourra vous nuire.
20 Pourtant ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux."

*

« Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair ».

Qu’est ce que ce propos ? Le satan serait au ciel jusque là ? Ou bien à l’inverse, s’il y était, n’y serait-il plus depuis la mission des soixante-douze ? Deux idées bizarres… Le satan au ciel ? Bizarre, mais après tout, n’est-ce pas ce que nous dit le Livre de Job parlant de ce satan céleste qui se présente devant Dieu ? On l’y voit dans un rôle de procureur d’une cour de justice où trône Dieu. Le satan y a la fonction « d'accusation » auprès de Dieu, qui est celle du diable dans le Nouveau Testament. Et cela avec toutes les conséquences que cela entraîne : le mal, la culpabilité, une douleur morale récurrente rappelant sans cesse le péché réel ou imaginaire, etc. Bref : Job…

Bon, mais s’il apparaît au ciel de cette façon là, comme accusateur devant Dieu, il n’y serait plus depuis la mission des soixante-douze ? En fait, on le comprend, « l’accusation » des consciences, cette tentation du trouble et du remords (qui n’est pas le repentir !) est toujours actuelle : réalité pénible et permanente...

Alors en quel sens la mission, puisque c’est de cela qu’il s’agit, la prédication missionnaire, a-t-elle fait voir à Jésus le « satan tomber du ciel comme l’éclair » ?

*

En d’autres termes, quel est, en fait, l’effet de la mission ? Tout d’abord, avant d’aller plus loin, ne négligeons pas la nécessité de l’humilité, rappelée dans la mise en garde de Jésus devant la joie des disciples : attention au glissement vers un désir classique de pouvoir ! — « ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ».

Il existe une légende, concernant le roi d’Israël Salomon. Selon cette légende, il aurait été donné à ce roi, le plus grand et le plus sage, que les démons lui soient soumis. Légende qui fait référence à sa sagesse, qui commence par la crainte de Dieu. Car n’oublions pas que le mot « démons » ne fait rien d’autre que désigner les divinités inexistantes face au Dieu d’Abraham.

Et voilà à présent que les disciples annoncent plus grand que Salomon, et que les esprits leur sont soumis. Extraordinaire ! — Eh bien, « ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis » ! Là n’est pas le vrai sujet de réjouissance. Humilité. Ce qui nous place aussi, autre mise en garde, face à un aspect tragique de la mission. Chorazin, Bethsaïda et Capharnaüm — pire que Tyr et Sidon, qui ont été ravagées :

Écoutons, sur Tyr et Sidon, la complainte d’Ézéchiel (ch. 28, v. 12-23) :
12 "Fils d’homme, entonne une complainte sur le roi de Tyr. Tu lui diras : Ainsi parle le Seigneur DIEU : Toi qui scelles la perfection, toi qui es plein de sagesse, parfait en beauté,
13 tu étais en Eden, dans le jardin de Dieu, entouré de murs en pierres précieuses : sardoine, topaze et jaspe, chrysolithe, béryl et onyx, lazulite, escarboucle et émeraude ; et l’or dont sont ouvragés les tambourins et les flûtes, fut préparé le jour de ta création.
14 Toi, le chérubin étincelant, le protecteur, je t’avais établi ; tu étais sur la montagne sainte de Dieu, tu allais et venais au milieu des charbons ardents.
15 Ta conduite fut parfaite depuis le jour de ta création, jusqu’à ce qu’on découvre en toi la perversité :
16 par l’ampleur de ton commerce, tu t’es rempli de violence et tu as péché. Aussi, je te mets au rang de profane loin de la montagne de Dieu ; toi, le chérubin protecteur, je vais t’expulser du milieu des charbons ardents.
17 Tu t’es enorgueilli de ta beauté, tu as laissé ta splendeur corrompre ta sagesse. Je te précipite à terre, je te donne en spectacle aux rois.
18 Par le nombre de tes péchés, par ton commerce criminel, tu as profané ton sanctuaire. Aussi je fais sortir un feu du milieu de toi, il te dévorera, je te réduirai en cendre sur la terre, sous les yeux de tous ceux qui te regardent.
19 Tous ceux d’entre les peuples qui te connaissent seront dans la stupeur à cause de toi ; tu deviendras un objet d’épouvante. Pour toujours tu ne seras plus !"
20 Il y eut une parole du SEIGNEUR pour moi :
21 "Fils d’homme, dirige ton regard vers Sidon, et prononce un oracle contre elle.
22 Tu diras : Ainsi parle le Seigneur DIEU : Je viens contre toi, Sidon, je serai glorifié au milieu de toi, alors on connaîtra que je suis le SEIGNEUR à cause des jugements que j’exécuterai contre elle ; alors, je manifesterai en elle ma sainteté.
23 J’y enverrai la peste, il y aura du sang dans ses rues, les morts tomberont au milieu d’elle à cause de l’épée dressée contre elle de toutes parts. Alors, on connaîtra que je suis le SEIGNEUR.

*

« Et toi, Capharnaüm, seras-tu élevée jusqu’au ciel ? Tu descendras jusqu’au séjour des morts » comme Tyr et Sidon, pour n’avoir pas entendu — comme elles — la parole de ta délivrance… « Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair » : voilà le mal vaincu ! Voilà aussi ce qu’évoque le rappel de Tyr et Sidon — avec la menace sur Chorazin, Bethsaïda, et Caphanaüm d’accompagner cette chute. On pense alors aux conquistadors et autres façons de « missionnaires », qui comme les disciples, juste avant cet épisode, sont rabroués par Jésus après avoir parlé de faire tomber le feu du ciel sur les récalcitrants !

À moins que la parole annoncée ne soit entendue (déjà par les envoyés eux-mêmes), et le mal vaincu : c’est l’autre aspect de la dégringolade du satan. Le mal vaincu : c’est l’effet central de la mission ; là est toute l’importance de la mission. Cela a une valeur universelle : rappelons-nous qu’il y a 72 envoyés (ou 70 parfois), chiffres qui symbolisent toutes les nations ; ce qui induit dimension universelle, au-delà des villes du pays visitées alors.

Et si le satan n’est pas vaincu, si le mal n’est pas vaincu, la mission, notre mission risque toujours de devenir ce tragique et sanglant esprit de conquête usant du feu du ciel…

*

Le mal vaincu via la déchéance du satan. Une illustration de cela est fournie par Luther ; à travers l’image populaire des pactes avec le diable. La tradition en a été recueillie dans le mythe de Faust. L’idée que dans le malheur de sa condition, on pouvait vendre son âme au diable, chose parfois illustrée par un pacte signé de son sang. Cette transaction avait pour propos l’espérance de voir soulager sa misère en ce temps, en échange de l’éternité. On reconnaît le mythe de Faust et Méphistophélès popularisé par le poète Goethe.

Ce genre de légendes circulait déjà à l’époque de Luther.

Et voilà qu’une dame confie son désespoir au réformateur quant à son propre salut : — « mon bon Monsieur Luther, il n’y aucun espoir pour moi quant à votre Évangile : j’ai vendu mon âme au diable. »

Savez-vous ce que lui a répondu Luther ? — « Madame, que diriez-vous si votre voisin vendait votre maison, avec un contrat en bonne et due forme, à l’un de ses parents. » — « Mais ce contrat n’aurait aucune valeur, ma maison ne lui appartient pas ! » — « Eh bien, Madame, votre contrat avec le diable, fût-il signé de votre sang, n’a aucune valeur : votre âme ne vous appartient pas. Vous avez vendu, ou cru pouvoir vendre, la propriété d’un autre, Jésus-Christ. Et non content que votre âme appartienne à Jésus-Christ de toute façon, il l’a, pour que les choses soient bien claires, rachetée par-dessus le marché. »

« Réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux » dit Jésus : c’est cela la vraie victoire sur le mal, malgré ses ravages qui se poursuivent. Et la mission pour laquelle Jésus nous envoie à notre tour, c’est de vivre, et dire cela, partout dans le monde.

Là est l’éviction du satan céleste. Et l’Évangile, bonne nouvelle : être nommé devant Dieu, être connu de lui autrement que comme accusé. Être reconnu dans sa vérité intime qui échappe à tous les regards, et surtout à la malveillance. À ce point passent au second plan même les triomphes passagers sur la calomnie, la soumission des mauvais esprits. La vérité de nos êtres, plus essentielle que les accablements, est ancrée dans l’éternité.


R.P.,
Poitiers, 07.07.13


mardi 2 juillet 2013

"Claude avait ordonné à tous les Juifs de quitter Rome"




Actes 18.1-17
1 [Paul] quitta Athènes pour se rendre à Corinthe.
2 Il y trouva un Juif nommé Aquilas, originaire du Pont, récemment arrivé d’Italie avec sa femme Priscille, parce que Claude avait ordonné à tous les Juifs de quitter Rome. Il se lia avec eux ;
3 comme il avait le même métier, il demeurait chez eux et travaillait : ils étaient, de leur métier, fabricants de tentes.
4 Chaque shabbat, il discutait dans la synagogue et persuadait des Juifs et des Grecs.
5 Mais quand Silas et Timothée furent descendus de Macédoine, Paul se consacra entièrement à la Parole ; il attestait aux Juifs que Jésus est le Christ.
6 Mais comme les Juifs s’opposaient à lui avec des calomnies, il secoua ses vêtements et leur dit : Que votre sang soit sur votre tête ! Moi, j’en suis pur ; dorénavant j’irai vers les non-Juifs.
7 Il partit de là et se rendit chez un nommé Titius Justus, un adorateur de Dieu dont la maison était contiguë à la synagogue.
8 Pourtant Crispos, le chef de la synagogue, crut le Seigneur, avec toute sa maison. Et beaucoup de Corinthiens qui écoutaient devenaient croyants et recevaient le baptême.
9 Pendant la nuit, le Seigneur dit à Paul en vision : N’aie pas peur ! Parle, ne te tais pas,
10 car moi, je suis avec toi. Personne ne mettra la main sur toi pour te faire du mal, parce que j’ai un peuple nombreux dans cette ville.
11 Il resta un an et six mois à enseigner parmi eux la parole de Dieu.
12 Alors que Gallion était proconsul de l’Achaïe, les Juifs se dressèrent d’un commun accord contre Paul et le conduisirent devant le tribunal,
13 en disant : Cet individu persuade les gens d’adorer Dieu d’une manière contraire à la loi.
14 Paul allait prendre la parole lorsque Gallion dit aux Juifs : S’il s’agissait d’un forfait ou d’un délit grave, quel qu’il soit, je vous écouterais patiemment, ô Juifs, comme il se doit ;
15 mais s’il s’agit de débats sur des mots, sur des noms et sur votre propre loi, cela vous regarde ; moi, je ne souhaite pas en être juge.
16 Et il les renvoya du tribunal.
17 Alors tous prirent Sosthène, le chef de la synagogue, et se mirent à le battre devant le tribunal, sans que Gallion s’en soucie le moins du monde.

*

Où l’on rencontre des expulsés de Rome, Aquilas et Priscilla (Ac 18 ; 1 Co 16, 19) — expulsés avec les autres juifs, pour des raisons proches de ce qui apparaît dans la suite de notre texte. Aquilas et Priscilla ou Prisca (Ro 16, 3 ; 2 Ti 4, 19). Prica signifie en latin « ancienne », Priscilla « petite ancienne », équivalent du grec Presbyterissa / Presbytera : un probable titre latin (elle et Aquilas viennent d’Italie), titre pouvant correspondre à « ancienne », féminin de « prêtre ».

Cf. un parallèle chez des juifs de Malte : « La ville romaine de Melite, dans l'archipel de Malte, en Méditerranée centrale, avait, en commun avec d'autres avant-postes provinciaux de l'Empire, une colonie de diaspora juive comme en témoignent six hypogées qui mettent bien en évidence la ménorah à sept branches. Il y a des indices possibles d'organisation religieuse et peut-être administrative dans une inscription en grec qui marque la sépulture d'un gerusiarch et fidèle des ‘commandements’ qui était peut-être le chef d'un conseil des anciens de la synagogue de la ville, et de son épouse Eulogia ‘l'aînée’. Le titre presbytera utilisé dans le texte a un sens spécial et suggère que le mari et la femme occupaient des postes prestigieux au niveau de la gestion de la colonie. » (Mario Buhagiar, “The Jewish Catacombs of Roman Melite”, The Antiquaries Journal / Volume 91 / August 2011, pp 73-100.)

Le fait que Prisca / Priscilla soit mentionnée systématiquement avec Aquilas la marque comme personnage important, avec un ministère (ou au moins — on trouve la trace de cet usage, mais plus tard — « femme d’ancien », de prêtre). Ici sa mention systématique peut suggérer un ministère presbytéral, qui implique alors qu’on mentionne aussi son mari — elle est nommée avant Aquilas en Ac 18, 18 et (Prisca) Ro 16, 3 ; 2 Ti 4, 19. Harnack y voit l’auteur de l’Épître aux Hébreux (écrite d’Italie) et le fait que l’auteur ne soit pas nommé (une femme).

Le couple a été chassé de Rome par Claude — expulsion connue par ailleurs comme étant due, selon Suétone (Claude, § 25) à ce que les juifs « fomentaient de constants tumultes à l'instigation de "Chrestus" » : i.e. probablement Christ.

Il est intéressant de noter que c’est ce qui va se passer dans la suite du texte : les juifs de Corinthe se disputent entre partisans du Christ et les autres. Les « chrétiens » de Corinthe sont bien juifs pour la plupart. La prédication de Paul divise la synagogue : le chef Crispos lui-même se convertit et est remplacé par un autre, Sosthène. Paul se met donc à prêcher à côté, chez Titius Justus, après avoir prévenu de la suite des querelles, qui vont tourner aux coups, voire au sang, de la part des deux partis…

Sous l’œil indifférent (pour l’instant) des autorités régionales romaines (le proconsul Gallion). On pressent que ce qui s’est passé à Rome leur pend au nez : trouble à l’ordre public. Une description des choses propre à faire frémir : Sosthène roué de coups. À l’instar des descriptions des conflits dans les anciens livres bibliques, le livre des Actes se contente de décrire, de constater le fait et l’indifférence des autorités romaines. Les choses changeront dans la suite des temps, quand les autorités romaines finiront par appuyer les chrétiens contre les juifs.

Le débat ne saurait être autre que celui de la parole dont Paul entend user librement — « ne te tais pas », lui confirme sa vision (v. 9) —, une libre parole qu’exercent plusieurs dans les deux camps qui se forment.

Hélas déjà on glisse aux invectives et aux coups — était-ce alors évitable ? L’histoire n’a pas donné que cela soit évité. Mais il nous appartient de prendre la leçon : le débat est sain et légitime, même sur ce qui nous semble essentiel : il s’agit de savoir être respectueux et de garder l’humilité de recevoir même de ce qui nous semblerait incompatible avec nos convictions… Notre Dieu, sa vérité, est au-delà de ce que nous pouvons en dire, de ce qu’en reçoivent nos convictions les plus sincères : « le Seigneur est dans son saint temple, que toute la terre fasse silence devant lui » (Habacuc 2, 20).

Prière :

Psaume 84
2 Comme elles sont chéries, tes demeures, SEIGNEUR (YHWH) des Armées !
3 Je m’épuise à force de languir après les cours du temple du SEIGNEUR, mon cœur et ma chair crient vers le Dieu vivant.
4 Même le passereau trouve un gîte, et l’hirondelle un nid où elle dépose ses petits :tes autels, SEIGNEUR (YHWH) des Armées, mon roi et mon Dieu !
5 Heureux ceux qui habitent ta maison !Ils te loueront encore.
6 Heureux les hommes dont la force est en toi !Ils ont dans leur cœur des routes toutes tracées.
7 Lorsqu’ils traversent la vallée du Baka, ils en font une oasis, et la pluie d’automne la couvre aussi de bénédictions.
8 Leur vigueur ne cesse de croître, ils paraîtront devant Dieu à Sion.
9 SEIGNEUR, Dieu des Armées, entends ma prière !Prête l’oreille, Dieu de Jacob !
10 Toi qui es notre bouclier, ô Dieu, vois !Regarde le visage de l’homme qui a reçu ton onction !
11 Mieux vaut en effet un jour dans les cours de ton temple que mille ailleurs ; j’ai choisi de me tenir sur le seuil de la maison de mon Dieu, plutôt que de résider sous les tentes de la méchanceté.
12 Car le SEIGNEUR Dieu est un soleil et un bouclier, le SEIGNEUR donne la grâce et la gloire, il ne refuse aucun bien à ceux qui suivent la voie de l’intégrité.
13 SEIGNEUR (YHWH) des Armées, heureux l’homme qui met sa confiance en toi !


RP
CP Poitiers, 2.07.13