dimanche 30 mai 2010

L'Esprit de vérité…





Proverbes 8, 22-31 ; Psaume 8 ; Romains 5, 1-5 ; Jean 16, 12-15

Jean 16, 12-15
12 J’ai encore bien des choses à vous dire mais vous ne pouvez les porter maintenant ;
13 lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. Car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir.
14 Il me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi, et il vous le communiquera.
15 Tout ce que possède mon Père est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi.
*

« L’Esprit de vérité vous fera accéder à la vérité tout entière ». Il s’agit de l’Esprit promis par Jésus à ses disciples. Jésus s’adresse ici à ses Apôtres. C’est une parole qui cependant, toutes proportions gardées, vaut aussi pour ceux qui suivront — parmi lesquels nous sommes.

Ce qui, bien sûr, ne préjuge en rien de ce qu’il en est de notre participation effective à cet accès à la vérité : celui qui aime en paroles et non en action et en vérité n’a pas connu Dieu, et ment en prétendant l’avoir connu, de même que ment celui qui prétend n'avoir pas de péché (1 Jean 2:4 ; 3:18). Bref, celui qui pèche n’a pas connu Dieu et celui qui prétend n’avoir pas de péché ne l’a pas connu non plus et n'est pas dans la vérité. Qui de nous prétendra être dans la vérité ?

C’est que, si la vérité est tout proche de nous, nous sommes loin d’elle : « ces choses Dieu les a cachées aux sages, et les a révélées aux petits ».

Au jour où Jésus s’adresse à ses disciples dans le texte que nous avons lu, la croix s’approche, chose incompréhensible à toutes nos sagesses. Celui qui est annoncé comme le Bien-aimé de Dieu, le maître du Royaume, peut-il mourir de la sorte ?

Voilà qui est incompréhensible et qui pourtant est le don de la vérité, qui se dévoilera comme telle au matin du dimanche de Pâques, sans qu’alors tout le sens n’en ait été saisi par les disciples. C’est Esprit saint, l’Esprit du Père qui vit en Jésus qui leur dévoilera la signification de la croix du Ressuscité : qui le glorifiera ! Le glorifiera ! De quoi est-il question sous ce terme dans l’évangile de Jean ? De la Croix ! (Cf. Jean 12, 23 & 32-33)

Et cela, au jour où Jésus parle, les disciples ne peuvent le saisir. Et même le simple événement du dimanche de Pâques, comme événement, n’est que la première ouverture vers un dévoilement dans lequel l’Esprit saint va conduire les disciples, et avec eux, nous tous. Ce qui doit venir, à commencer par la Croix au jour où Jésus parle, va être dévoilé.

Un dévoilement qui dit cette vérité entière inaccessible comme telle à nos intelligences. La vérité de Dieu se donne dans l’humilité du Fils, une révélation qui vaut pour toute la vie humaine de Jésus, de Pâques à la Croix et à Noël, ce premier moment d’humilité du Fils de Dieu rendu infiniment proche de nous par une vérité dont nous sommes très loin mais qui porte pour nous toute consolation et à laquelle seul l’Esprit consolateur peut nous conduire.

Une vérité pleinement révélée aux Apôtres dans le Nouveau Testament, et par eux, à nous, mais qui devra être reçue et vécue par chacun dans la suite des temps et jusqu’à nous. Cela commence par le don de l’Esprit qui conduit les plus sages dans l’humilité de la vérité.

Hors cela, la Croix est incompréhensible, tout comme la venue en chair de la Parole éternelle. Parmi les témoins dans l’histoire de cette venue à la vérité dans laquelle l’a conduit l’Esprit, je citerai un homme qui écrit au Ve siècle après Jésus-Christ, un pasteur d’Afrique du Nord, Augustin. C’est dans ses Confessions, (VII, 9, 13-14) :

Dans des livres des platoniciens — écrit le grand philosophe qu’est Augustin —, j’ai lu non en propres termes, mais dans une frappante identité de sens, appuyé de nombreuses raisons, «qu’au commencement était la Parole ; que la Parole était avec Dieu, et que la Parole était Dieu ; qu’elle était au commencement en Dieu, que tout a été fait par elle et rien sans elle ; qu’en en elle était vie, et que la vie était la lumière des humains, que cette lumière luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l’ont point comprise. » Et que l’âme de l’homme, « tout en rendant témoignage de la lumière, n’est pas elle-même la lumière, mais que la Parole de Dieu, Dieu lui-même, est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde » et « qu’elle était dans le monde, et que le monde a été fait par elle, et que le monde ne l’a point connue. Mais qu’elle soit venue chez elle, que les siens ne l’aient pas reçue, et qu’à ceux qui l’ont reçue elle ait donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux-là qui croient en son nom » ; c’est ce que je n’ai pas lu dans ces livres.
J’y ai lu encore : « que la Parole-Dieu est née non de la chair, ni du sang, ni de la volonté de l’homme, ni de la volonté de la chair; mais de Dieu. » Mais «que la Parole se soit faite chair, et qu’elle ait habité parmi nous (Jean 1, 1-14) », c’est ce que je n’y ai pas lu.
J’ai découvert encore plus d’un passage témoignant par diverses expressions, « que le Fils qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu », parce que naturellement il n’est pas autre que lui. Mais qu’il « se soit anéanti, abaissé à la forme d’un esclave, à la ressemblance de l’homme, qu’il ait été reconnu à son aspect comme un homme, qu’il se soit humilié, qu’il se soit fait obéissant jusqu’à la mort, à la mort de la croix » — ce pourquoi Dieu l’a ressuscité des « morts et lui a donné un nom au-dessus de tout autre nom, afin qu’à ce nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus Notre-Seigneur est dans la gloire de Dieu son Père (Phil 2, 6-11) », c’est ce que ces livres ne disent pas.
Qu’il est avant les temps, au delà des temps, [...] Fils éternel du Père ; que, pour être heureuses, les âmes reçoivent de sa plénitude (Jean 1, 16), et que pour être sages, elles sont renouvelées par la communion de la sagesse résidant en lui ; cela est bien ici. « Mais qu’il soit mort dans le temps pour les impies (Rom 5, 6) ; que Dieu n’ait point épargné son Fils unique, et que pour nous tous il l’ait livré (Rom 8, 32) », c’est ce qui n’est pas ici. Ces choses Dieu les a cachées aux sages, et les a révélées aux petits, afin de faire venir à lui les souffrants et les surchargés, pour qu’il les soulage. Car il est doux et humble de cœur (Matth 11: 25, 28, 29), il conduit les hommes de douceur et de mansuétude dans la justice, il leur enseigne ses voies, et à la vue de notre humilité et de nos souffrances, il nous remet tous nos péchés (Ps. 24: 9,18). Mais les hommes d’orgueil ne l’entendent point nous dire : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes (Matth 11, 29) ». S’ils connaissent Dieu, ils ne l’honorent pas, ils ne le glorifient pas comme Dieu ; ils se dissipent dans la vanité de leurs pensées, et leur cœur insensé se remplit de ténèbres ; se proclamant sages, ils deviennent fous.

*

Voilà un exemple et une façon frappante de dire ce qu’est cette entrée dans la vérité entière de l’humilité de Dieu par un de ses témoins.

Autant de choses incompréhensibles à commencer par la Croix et à continuer par Noël et par toute la vie du Christ, que l’Esprit saint fait découvrir comme sagesse plus sage que le monde. Une vérité inaccessible comme telle aux plus hautes intelligences tant l’humilité de Dieu est au-delà de tout attente, comme il était incompréhensible que Jésus mourût. Et au jour où il prononce ces paroles annonçant l’Esprit de vérité à ses disciples, il est à la veille de sa mort, qu’ils ne pourront pas comprendre avant que l’Esprit ne les y guide, ne leur fasse découvrir que Dieu se donne où on ne l’attend pas : dans ce qui est humble.

À présent, la vérité, dont nous sommes loin, s’est approchée, rendue toute proche de nous, venue parmi nous et en nous par l’Esprit de vérité, pour nous ouvrir à toute consolation : notre faiblesse, celle de notre intelligence qui ne peut saisir tous les paramètres de ce qui fonde nos êtres, celle de nos maigres vertus, est la faiblesse dans laquelle s’accomplit la puissance de Dieu. Car sa puissance s’accomplit dans la faiblesse, pour que nous le recherchions dans ce qui est humble, cette sagesse cachée dans l’humilité de notre prochain, dévoilé à nous en Jésus humble et mourant, lui parole éternelle glorifiée de la sorte, de sorte que tout genou fléchisse devant le Crucifié !

R.P.
Antibes, 30.05.10


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